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Ken Roczen “Du jour au lendemain, c’était la merde totale”

Ken Roczen renoue avec le succès à Hangtown.

Ken Roczen aura esquivé les médias une bonne partie de la saison de Supercross pour pouvoir se concentrer au mieux pendant les weekends de courses; difficile de savoir ce qu’il se tramait sous l’auvent HRC.

Beaucoup de questions sont restées – et restent à ce jour – sans réponses quant aux problèmes dont doit faire face le pilote Allemand. À l’approche d’Hangtown, impossible de prédire en quelle forme le pilote Honda HRC allait s’aligner derrière les grilles de départs du premier motocross US de l’année.

Pourtant, et contre toute attente, c’est bien Roczen qui s’impose au général de journée, une belle revanche après plus de 2 ans sans la moindre victoire. Si Ken savoure cette dernière, il n’en reste pas moins conscient qu’il n’est toujours pas à 100% et que la route risque d’être encore longue…

L’état d’esprit, lui, a changé, c’est ce que Kenny dévoile dans le tout dernier PulpMxShow de Steve Matthes.

Quand tu t’es qualifié 1er, je me suis dit que ce serait une bonne journée pour toi car c’est assez rare de te voir en haut du tableau aux chronos. Tu t’es sentis bien à Hangtown dès le début.

Ouais, je me sentais bien, c’était la première course de l’année, je voulais juste faire du mieux possible, j’en ai marre de roulotter, de me sentir mal, j’étais dans un état d’esprit différent.

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J’ai fait du mieux que j’ai pu à chaque fois et ça a plutôt bien marché pour moi.

Est-ce que tu te sentais bien au moins ?

Non, même pas.

En 2016 j’étais vraiment à l’aise avec tout, même si tout ne se passait pas très bien aux essais ou aux chronos ce n’était pas grave car je savais que j’allais être le meilleur sur la piste quand venait le temps des manches.

Ce week-end, je n’avais aucune attente, je ne savais pas si les autres allaient être beaucoup plus rapides que moi, j’ai juste fait du mieux que j’ai pu et heureusement, tout s’est bien passé pour moi.

@RacerX Rich Shepherd

Tu roules derrière Tomac en seconde manche dans la boue, est-ce que tu savais que tu gagnerais la journée à ce moment-là ? Est-ce que ça a joué dans ta façon d’approcher la manche ?

J’ai ralenti la cadence, je ne suis pas encore à l’aise à 100% sur la moto pour l’instant, la moto n’est pas encore au point comme elle avait pu l’être en 2016 par exemple mais je travaille là-dessus, pour avoir les mêmes ressentis avec la moto.

Je n’étais pas assez à l’aise, et vu que c’était vraiment boueux, je savais que tout le monde allait commettre des erreurs et j’en ai fait aussi, j’ai remarqué que je poussais un peu trop à certains endroits, que je faisais des choses qu’il ne fallait pas faire, donc j’ai simplement baissé un peu la cadence. … […]

En Supercross, j’attaquais comme un dingue, je pensais que je démontais tout, et je n’étais pourtant même pas dans le top 5…

Pas beaucoup de préparation car vous sortez tous de la saison de Supercross, beaucoup de pilotes se plaignaient des réglages de leur moto, c’est quoi pas assez de temps ? C’est quoi, assez de temps ? Quand est-ce que tu peux te considérer satisfait ?

Ouais, ce n’est pas évident, on est dans le rush, on n’a pas beaucoup de temps. Les pilotes de GP par exemple ils ont des mois pour tout préparer et nous pas vraiment.

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C’est compliqué car tu veux faire du testing mais tu manques de temps car il faut aussi que tu fasses des manches pour te préparer. Le problème c’est qu’enchaîner des manches avec une moto dont tu n’es pas satisfait n’est pas non plus la bonne solution car quand vient l’heure des courses, il faut que tu roules sur une moto qui te convient et que tu aimes un minimum et cette limite est très fine.

Parfois tu peux être chanceux comme moi en 2016, on avait vraiment une bonne base avec les suspensions et je n’ai pratiquement rien changé. C’est idéal mais ça n’arrive pas souvent.

@RacerX Jeff Kardas

Tu as gagné des courses auparavant, cette fois, c’était ta première victoire depuis ta blessure, tu n’as pas gagné en supercross jusqu’à présent. Étais-tu ému ? Tu es passé près de gagner des manches à plusieurs reprises, pourtant, je ne t’ai pas vu si émotif que ça.

Intérieurement, j’étais tellement content, pour moi, pour l’équipe. Même plus tard, j’avais ce sentiment de satisfaction intense.

Moi, j’ai la mentalité du mec qui joue le championnat, c’est bien de gagner une course mais avant et après la course, je garde en tête que ce que je vise, c’est le championnat.

Il reste beaucoup de manches. Pour beaucoup de gens, ma victoire d’Hangtown était plutôt inattendue.

J’avais besoin de réponses, à partir de maintenant, je serais meilleur, et plus fort, à chaque épreuve, c’est un fait.

Ma préparation n’est pas du tout là où elle devrait être mais en même temps je ne me sens pas trop mal non plus.

@RacerX Jeff Kardas

Est-ce que tu es dans le genre de situation ou tu n’as pas trop de contrôle sur ce qu’il t’arrive ? Qu’un jour ça puisse aller super, et que le suivant ce soit la catastrophe ? Et ce, jusqu’à ce que tu trouves enfin des réponses à tes questions ?

En Supercross, quand ça a commencé à vraiment dérailler, j’aurais mis un paquet de pognon sur le fait que j’avais une infection sanguine, je sentais que quelque chose n’allait pas, je me sentais tellement mal.

Honnêtement, je ne pouvais même pas faire la moitié d’un tour en Supercross sans me sentir mal. Mon mécanicien d’entraînement était avec moi tous les jours, parfois je ne me souvenais même plus avoir quitté la maison quand j’arrivais au terrain tellement je me sentais mal, je n’étais pas du tout dedans.

Ma concentration, mon corps, la fatigue …. Je roulais en Supercross, et j’avais l’impression de ne pas pouvoir passer au-delà de 90 BPM niveau cardio, je ne pouvais pas me mettre en mode attaque j’étais complètement plat.

C’était comme ça pendant si longtemps. Si tu tombes malade, tu te sens comme une merde pendant quelques jours et tu rebondis. Mon corps, après toutes les blessures et opérations, il galère.

Je m’attendais à ce qu’un matin je me lève et je me dise « c’est bon, c’est parti, je me sens bien » mais ce n’est jamais arrivé.

@RacerX Jeff Kardas

Jusqu’à Vegas j’ai galéré, j’étais stressé comme un dingue, ce n’est pas fun d’aller aux courses sans pouvoir se battre. Je me réveillais le matin, je me sentais bien, et en 20 minutes, tout s’effondrait et je me sentais mal de nouveau. Je savais que ce n’était pas normal.

Je m’étais entraîné pendant des mois et du jour au lendemain, c’était la merde totale. Je n’en parlais pas trop pendant les courses, ça ne m’aidait pas du tout d’en parler, j’évitais les médias qui me posaient toujours les mêmes questions.

Je suis allé voir des spécialistes après Vegas pour en savoir plus. J’avais quelques soucis, des trucs de ci et là qui n’allaient pas, mais rien de bien particulier qu’on pouvait pointer du doigt qui pouvait expliquer ce qui m’arrivait. Il y avait pleins de petits soucis qui auraient pu engendrer un plus gros problème, mais ce n’était toujours pas une réponse […]

Si quelqu’un m’avait dit de manger du crottin de cheval pour me sentir mieux honnêtement je l’aurais fait.

Tu as gagné toute ta vie, en GP, en Supercross, en Outdoor, et boum, ça t’arrive. Je n’arrivais même pas à imaginer à quel point ce devait être frustrant pour toi.

C’était déprimant. Je faisais attention à tout pour que ça aille mieux. En 2016, je m’en fichais, je pouvais boire 3 bières le vendredi soir et gagner le samedi, j’ai gagné presque toutes les manches comme ça. J’ai tout fait, et rien ne s’améliorait, ça s’empirait même.

À Nashville, je me sentais vraiment comme une merde, j’ai couru le vendredi, je ne sais même pas pourquoi je suis allé courir car je me sentais vraiment trop mal mais il fallait que je fasse quelque chose sinon je serais devenu fou.

Je fais la reconnaissance de piste le samedi et je me sentais misérable. Mais quand je roule, personne ne le voit de l’extérieur. Ce jour-là, j’étais à plat, pourtant je roulais encore bien, j’aurais pu finir sur le podium, voir gagner, pourtant j’étais cuit.

Je me posais des questions tout le temps, je m’engueulais même avec des gens sur mes posts Instagram, je leur demandais s’ils pensaient que je faisais exprès, pour le délire de terminer 8ème parce que je kiffais ça.

Chaque épreuve, avant même le début de la journée, j’avais hâte qu’elle soit finie. […]

J’avais vraiment besoin d’une victoire à Hangtown. […]

@RacerX Rich Shepherd

L’an dernier en outdoor, c’était le merdier, je ne sais même pas comment j’ai fait pour rouler à Hangtown l’an dernier, tu sais, j’ai encore des problèmes avec mon pouce, pas aussi handicapants qu’avant, mais quand même.

L’an dernier, il fallait que je me prépare pendant 30 minutes avant la course avec tous les bandages, il y avait tellement de boulot à faire avec mon corps avant de m’envoyer sur la piste, puis ma main me faisait mal.

J’ai même dû arrêter de m’entraîner tellement j’avais mal, je ne faisais plus que les tours de reconnaissance, et ça, c’était mon entraînement. […]


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