MXGP & Europe

Stefan Everts se raconte

À l’époque, je vivais à Monaco, je mangeais, je m’entraînais et je dormais. Tout le reste, c’était ma femme qui gérait, absolument tout”

Et si on mettait de côté la maladie ? L’homme aux 10 titres mondiaux est revenu lors de ce podcast avec Zach Osborne sur ses débuts en motocross, sa carrière, les choix faits lors de cette dernière ainsi que la reprise du flambeau par son fils, Liam. Dans la famille Everts, on comptabilise 14 titres de champion du monde (4 avec Harry, 10 avec Stefan). Les Everts, c’est plus de 50 ans de motocross et une passion qui coule dans les veines de génération en génération.

Stefan Everts

“Forcément, mon père a influé dans mes débuts en Motocross. Alors que j’étais encore bébé, je prenais l’avion avec lui pour me rendre sur les grands prix à travers l’Europe. On est aussi allé aux USA, en Russie quand j’étais gamin. J’ai toujours été entouré par des motos, c’était évident que j’allais vouloir rouler, depuis tout petit, je savais ce que je voulais faire de ma vie, c’était de la moto. Vers mes 6 ans, alors que j’étais très jeune, je savais déjà.

On a commencé la compétition plus sérieusement alors que j’avais 14 ou 15 ans, sur une 125cc en championnat national Belge. Il y avait beaucoup de grosses courses en Belgique à l’époque mais ces dernières n’existent plus désormais. J’ai eu la chance de rouler sur ces courses avant de directement m’attaquer aux grands prix. Je suis passé des courses régionales et nationales au mondial, c’était un pas énorme à franchir pour moi. Je suis parvenu à me qualifier à Faenza pour mon premier grand prix en Italie, un circuit très technique, c’était un bon début.

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Lors de ma première saison en grand prix, je me suis qualifié pour toutes les épreuves, j’ai commencé à marquer quelques points et j’ai même signé un podium en République Tchèque alors que je n’avais que 16 ans lors de ma première saison de grands prix en 125, c’était un bon début.

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Stefan Everts – 1991

Ensuite, je me suis fracturé le poignet sur une course nationale et ma saison était terminée. Les 3 premières années de ma carrière, je les ai faite en 125 et en 1991 je remporte mon premier titre pour Suzuki lors du grand prix du Japon à Suzuka, il faisait très humide, on n’avait pas l’habitude, c’était dingue. Heureusement on avait une manche le samedi et une manche le dimanche donc on avait le temps de récupérer. J’ai gagné mon premier championnat ce jour-là puis je suis ensuite monté en 250.

Le début de ma carrière est passé très vite – un peu trop même pour moi. J’étais prêt à monter en 250 car j’avais commencé à rouler en 250 dès mes 13 ans ; je passais souvent de la 125 à la 250 pour m’entraîner. L’équipe devenait une équipe 250 de toute façon donc je n’ai pas eu trop le choix mais j’étais prêt.

Je me souviens. En 1983, Suzuki s’est retirée du mondial et ils sont revenus en 1989 avec une équipe usine. J’ai directement rejoint cette dernière, j’étais le jeune qui devait engranger de l’expérience, on ne me demandait pas de ramener des résultats. Mon père gagnait son dernier championnat en 1981 sur une Suzuki 125 et j’ai gagné mon premier championnat en 1991, 10 ans après mon père, sur une Suzuki 125.

Mon père portait toutes les casquettes à mes débuts, celle de mécanicien, de coach, de père, il en faisait beaucoup trop. Ce n’était pas simple pour lui, il avait gagné des grands prix et il essayait de m’aider du mieux possible mais j’étais jeune et je n’en faisais qu’à ma tête, je ne l’écoutais pas toujours, on s’est pas mal engueulé mais au final, il avait toujours raison, mais sur le moment, je ne voulais pas faire ce qu’il me disait.

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Stefan Everts – 1996

Avec Liam, j’essaye de communiquer un peu mieux que mon père ne communiquait avec moi mais ce n’est pas simple car parfois je m’excite un peu, je m’énerve quand je le vois faire de mauvaises choses, on se prend la tête. J’essaye de faire de mon mieux de mon côté, comme mon père l’a fait pour moi à l’époque, mais on rencontre les mêmes problèmes, il n’y a pas de secrets. […]

J’ai gagné en 125, en 250 et en 500, on n’est que deux à avoir remporté des titres dans les trois catégories avec Eric Geboers. Georges Jobé n’est pas passé loin mais il a manqué le titre en 125, mon père n’est pas passé loin mais il n’a pas gagné de titre en 500. Eric a été le premier à gagner les trois titres. Il était même redescendu de la catégorie 500 à la catégorie 250 en 1987 pour gagner ce titre avant de remonter en 500cc. Il avait vraiment planifié tout ça, il voulait gagner un titre dans toutes les catégories.

Je suis le second pilote à avoir gagné un titre dans les 3 catégories et désormais, ce n’est plus possible, donc nous sommes les deux seuls à tout jamais. Il n’y a plus de catégorie 125. C’était un de mes rêves car je voulais être un pilote complet qui pouvait gagner sur n’importe quelle moto, puis j’ai ensuite gagné en 4 temps. Je voulais montrer à tout le monde que je pouvais m’imposer peu importe la cylindrée et la moto. […]

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Dans les années 1990, j’étais très arrogant, je parlais beaucoup trop en conférence de presse, j’avais la confiance, c’était les années où je me battais contre Greg Albertyn et on se battait sur la piste mais aussi en dehors, à travers les médias, une bataille psychologique. Il vivait en Belgique, il avait accumulé des fans et moi je disais ce qui me passait par la tête et ce n’était pas toujours la chose la plus intelligente à faire. Parfois, il faut savoir être diplomate.

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Stefan Everts – 2001

J’ai connu des blessures, des années compliquées, puis en 2001 je suis revenu avec Rinaldi, j’étais différent, un autre Stefan, j’avais plus d’expérience, je faisais attention à ce que je disais, j’étais plus mature. J’avais été blessé pendant pas mal de temps, j’avais été sur la touche et ça m’avait permis de réfléchir pas mal sur ce que je devais changer pour revenir plus fort. Je n’ai jamais perdu foi en moi, je savais que je pouvais gagner et c’est ce que j’ai fait, j’ai gagné 6 championnats d’affilée avant de mettre un terme à ma carrière alors que j’étais encore au plus haut niveau. […]

Il faut être concentré sur ce que tu fais, ne pas te laisser distraire par d’autres choses sinon il est facile de se blesser car tu ne roules plus à ton meilleur niveau, il faut trouver la formule parfaite pour que tout se passe bien. Il y a 3 choses, la moto, le circuit, et toi. Si tu arrives à trouver l’équilibre parfait entre les trois, tu vas pouvoir imprimer le rythme, attaquer de plus en plus, tomber les tours chronos et à chaque fois, il faut être capable de trouver cet équilibre.

Derrière chaque blessure d’un pilote, il y a une raison, une explication, il faut y penser, réfléchir et comprendre pourquoi c’est arrivé. Parfois, tu montes sur ta moto et tu emmènes avec toi des problèmes personnels. Quand tu es gamin, les choses sont très simples, mais plus tu vieillis, plus tu deviens sensible aux choses de la vie et plus tu dois travailler sur ta concentration. À l’époque, je vivais à Monaco, je mangeais, je m’entraînais et je dormais. Tout le reste, c’était ma femme qui gérait, absolument tout. Elle organisait, planifiait, peu importe ce qu’il fallait faire, elle faisait, moi, je ne faisais que ces 3 choses-là. Si tu veux devenir le meilleur, c’est ce qu’il faut faire.

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Liam Everts – 2019

Avec Liam, j’essaye de lui créer un bon programme pour que quand il aille rouler, il n’ait qu’à se concentrer sur lui-même. Pour l’instant, il s’en sorti bien, il est sur la bonne voie. Si tu fais trop de choses et que tu as trop de distractions autour de toi, ce n’est jamais bon, il faut rester concentrer pour performer. Les risques pris sur une moto sont trop importants, il faut tout faire pour les minimiser et ça commence par l’élimination des distractions. […]

Les USA ? J’ai roulé en Supercross aux USA en 1992, c’était une expérience énorme, j’étais jeune et j’ai eu l’opportunité grâce à Suzuki. On voyageait et puis on roulait en Supercross. Ma première épreuve, c’était à Houston, je me suis pointé sans avoir roulé en Supercross, sans avoir testé la moto. J’avais roulé un peu en Supercross en Europe mais j’avais dû faire mon service militaire pendant un mois donc je n’avais pas eu beaucoup d’entraînement. Je me suis qualifié pour la finale, j’ai pris un très bon départ, j’étais 3ème pendant 12 tours et je me suis vite fatigué avant de rétrograder jusqu’à la 12ème position, mais les premières impressions étaient bonnes. J’ai de bons souvenirs, je suis beaucoup tombé aussi, j’ai roulé à Daytona aussi, c’était trop cool.

JMB tente de faire son retard et de doubler Stefan Everts

Stefan Everts devant Jean Michel Bayle – 1992 – Houston 18 Janvier

Quand j’ai décidé de rester en Mondial au lieu de partir aux USA j’étais sûr de ma décision et je pense toujours avoir fait le bon choix. Après mon titre 125 en 1991 j’étais concentré sur le fait de gagner un titre 250 avant de partir aux USA mais remporter le championnat 250 a pris plus de temps que prévu et quand je l’ai enfin décroché, j’étais un peu vieux pour m’engager dans une carrière en Supercross et j’ai décidé de rester en Europe et en Mondial. Quelques années plus tard j’ai reçu une offre très sérieuse de Roger de Coster fin 1999 lors du grand prix de Budds Creek.

Roger m’a vu rouler là-bas et il avait été impressionné. Il m’a appelé par la suite pour me demander si j’étais intéressé pour rouler aux USA. J’étais vraiment flatté mais à l’époque, Dave Grant, qui était mon manager, avait beaucoup d’influence sur moi et on avait un gros contrat en Europe sur la table et j’ai dû décliner l’offre et c’était la mauvaise option. L’année suivante – 2000 – a été compliquée et à ce moment-là je me suis demandé ce qu’il se serait passé si j’avais accepté l’offre de Roger de Coster.

En 2001, on s’est remis sur les rails avec l’équipe Yamaha Rinaldi, ce n’était pas un gros contrat mais je savais que c’était pour moi l’occasion de me remettre dans le droit chemin, trouver des solutions.

Les Yamaha de l’époque étaient vraiment spéciales, avec Husqvarna j’aurais pu tester pendant 10 ans pour la mettre au point, quand je suis monté sur la Yamaha, j’avais l’impression d’être sur une Rolls Royce. Si tu regardes les motos maintenant, les motos d’avant étaient plutôt grosses, lourdes, mais je me sentais bien dessus à l’époque. […]

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Stefan Everts – 2003

Quand j’étais petit, j’ai eu une idée qui m’est venu d’Eric Geboers. Je suis allé chez lui et il avait sa moto dans son salon et je trouvais ça trop cool et je voulais aussi avoir ça chez moi plus tard. Quand j’ai signé mon premier contrat, je leur ai dit que je voulais une seule chose, garder la moto du championnat si je décrochais le titre. Par la suite, cette requête était devenue une obligation pour que je signe un contrat. J’ai 10 titres à mon actif et 10 motos dans mon musée désormais.

Une histoire drôle ? En 2003, je m’aligne dans 2 catégories à partir d’un certain point de la saison, en MX2 et en MXGP. Il n’y avait qu’une manche par épreuve, 3 catégories, un peu comme le motoGP aujourd’hui. Mon ingénieur de chez KYB de l’époque avait toujours une caisse de bière, une bière fruitée, sucrée, avec peu d’alcool. Au début de la saison, on a fait un deal, celui de boire une bière ensemble à chaque course. Au début je ne roulais qu’en MXGP mais dès le 4ème grand prix, on a décidé de rouler en MX2 et en MXGP donc je faisais 2 manches et je buvais 2 bières. Mais après 2 bières, j’étais bien plus léger et relax quand j’allais me coucher [rires].

En Italie, je remporte facilement la manche MX2 avant de sauter sur ma seconde moto pour rouler en MXGP et je gagne aussi cette manche. J’ai dit à mon ingénieur qu’il fallait continuer ce rituel. Sur le dernier grand prix, j’ai décidé de m’aligner sur les 3 catégories, donc il fallait boire 3 bières, et j’ai gagné les 3 manches. […]

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Liam Everts

Les grands prix aujourd’hui sont différents, les équipes se développent plus, il y a plus d’épreuves, l’intensité est plus importante, il y a plus de pression pour les équipes, ça devient plus dur pour les pilotes de voyager encore plus. C’est une grosse charge de travail. Les circuits sont plus courts et certains d’entre-eux se ressemblent beaucoup. Sur les terrains artificiels, on retrouve les mêmes sauts, les mêmes vagues, je préfère les terrains Oldschool comme Loket, la Suède … C’est dommage, il faut qu’on garde les terrains naturels en mondial.

Il faut développer le sport, certains aspects du sport. On a de très bons pilotes en Europe qu’on a perdu au détriment des USA comme Marvin Musquin ou Ken Roczen, c’est comme ça, et depuis plusieurs années. On a encore de très bons pilotes ici comme Jorge Prado par exemple, ça va être intéressant de le voir arriver en MXGP. J’aimerais voir plus de vainqueurs de manches, pas autant de domination, pas comme Herlings en 2018 ou Prado en 2019. Ce n’est pas bon pour le sport. Il y a eu beaucoup de blessures aussi. Ce serait bon pour les équipes et les pilotes qu’il y ait un peu plus d’adversité, de diversité, que tout le monde se retrouve sous les projecteurs.

Pourquoi les pilotes de GP ne vont plus aux USA ? Bonne question. Pourquoi Prado reste en Europe ? Bonne question, je ne sais pas. Peut-être qu’il l’a décidé ainsi, peut-être que KTM a mis la pression pour qu’il reste. Le problème, c’est que plus tu attends et plus tu vieillis, plus ce rêve, cet objectif s’éloigne et c’est ce qui m’est arrivé, et peut-être que c’est ce qu’il arrivera à Jorge Prado. C’est  toujours mieux d’être le plus gros poisson dans la petite marre que le petit poisson dans la grosse marre. […]

Le risque est gros mais quand on est jeune, on y pense moins. Plus on vieillit, plus on va y penser. Si tu vas aux USA, tu vas devoir faire une longue saison de Supercross, puis une saison de Motocross, c’est intensif, c’est beaucoup de voyage, c’est deux fois plus de course et il faut aussi travailler deux fois plus. Il fait très très chaud en été, bien plus qu’ici, il faut bien tout prendre en compte et tout comparer pour savoir ce qui est le mieux pour toi, c’est un réel challenge que d’aller aux USA. […]

Désormais, c’est double émotion pour moi avec Liam qui roule. C’est bon de le voir sur une moto mais d’un autre côté, il prend de gros risques à chaque fois et après chaque course ou chaque entraînement je suis soulagé de le voir rentrer en un seul morceau. Il a été mordu très tôt, un peu comme moi, il adore la compétition, les temps sont différents néanmoins, il aime ça et il travaille dur, il reste concentré et il aime ce qu’il fait.

C’est difficile pour lui de suivre mes traces, il le sait, parfois ça pose des problèmes. Quand il roule, je vois qu’il ne fait pas toujours ce qu’il devrait faire, il roule très bien pendant la semaine et moins bien sur les épreuves le weekend mais il n’a que 15 ans donc il faut lui laisser encore un peu de temps pour se développer, mentalement aussi. Il est petit, on roule déjà sur la 250 pour développer sa force et gagner en vitesse. Il va rouler une nouvelle année en EMX125 la saison prochaine en combinaison avec quelques épreuves en 250. Le but c’est le championnat en 125.”

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Stefan, Liam et Harry Everts, en 2015

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