Interviews

Valentin Guillod “En Suisse, on est très peu professionnalisé en motocross”

L’hécatombe Suisse à deux semaines des nations.

Ils ont perdu Arnaud Tonus et auraient bien pu perdre Valentin Guillod …. 10 jours avant le Motocross des Nations, Valentin a été contraint de passer sur le billard pour soigner une clavicule fracturée sur une épreuve Allemande de l’Adac MX Masters.

Avec une équipe diminuée, les Suisses ont serré les dents aux nations ce weekend pour tenter de rentrer dans le top 10 malgré les circonstances.

En France, on n’est visiblement pas les plus mal lotis. La fédération Suisse – à l’instar de la fédération Française – ne s’est pas investie outre mesure dans la préparation de ses pilotes pour le Motocross des nations.

On entend aussi dire que Valentin pourrait bien revenir à temps plein en MXGP dès la saison prochaine … Finger crossed.

Valentin, c’est cool cette aide de 114 Motorsports pour les nations, comment ça s’est fait ? Et d’ailleurs, si ça ne se faisait pas, tu avais un plan B ?

J’ai été nommé pilote 250 pour les nations et je ne pouvais pas me pointer à la course avec une moto d’origine, comme je l’ai fait cette saison en 450 par exemple. Je voulais arriver avec une bonne moto car sur le papier, la Suisse avait la possibilité de faire un gros résultat.

Pssst ! l'article continue ci-dessous :)

J’ai roulé Honda, j’aime bien la moto, j’ai un jeu de suspension, je décide donc de glisser un petit mot à Livia pour savoir si c’est possible et ça a fini par se faire. Vraiment cool de la part de Livia et de Gariboldi aussi, un grand merci à ces deux personnes là, c’est top d’avoir du bon matériel pour le MXDN.

Pour le plan B, pas vraiment, car finalement la réponse positive est arrivée assez vite donc j’étais fixé. Il y avait une rumeur qui disait que je pouvais rouler sur une Yamaha car le team manager de l’équipe Suisse dirige une équipe Yamaha. Au pire, on aurait pu faire comme ça mais je souhaitais tout de même rester avec Honda car je voulais rester fidèle à la marque – même si je n’ai aucun contrat avec eux – jusqu’à la fin de la saison.

Cette blessure à la clavicule, elle est survenue quand et comment ?

C’était chaud … J’ai essayé de garder le secret jusqu’aux Nations. J’ai été rouler à la dernière course de l’Adac mi-Septembre. En général sur les réseaux j’explique mon weekend et là, j’ai juste mis les résultats, P3 en première manche, DNF en seconde manche.

Au final, l’abandon en seconde manche, c’est suite à une chute. J’étais 3ème de la manche, et à 4 tours de la fin, sur un saut, je prends un caillou entre la pédale de frein et le cadre et la moto cale sur l’appel du saut, je n’ai rien pu faire.

@Dailymotocross

La moto a piqué du nez, heureusement que c’était une petite table. Je pensais que ça allait passer mais ça a fini en par-devant et je me suis bien éclaté.

En me relevant, j’ai senti que ma clavicule était touchée. Je me relève, je remonte sur la moto et je sors de la piste. Au camion je me dis « Merde, les nations … ». Les gars m’aident à ranger mes affaires, je prends ma voiture et je rentre chez moi …

Attends, tu prends le volant avec ta clavicule pétée ?

Oui, j’étais tout seul, je roulais pour KMP Honda mais j’y étais allé seul. Je fais les 4 heures de route pour rentrer chez moi, je passe la nuit et le lendemain matin – Lundi – je vais voir le médecin à la clinique à côté de chez moi. On passe des radios et le toubib me dit qu’il faut opérer, qu’il peut me prendre dès le lendemain. Au moins, c’était réglé rapidement.

On était à moins de 15 jours des nations et je lui demande quand même « Par contre, c’est possible de faire un peu de moto après l’opération ? ». Il me demande dans combien de temps je veux rouler. « Dans 10 jours ». Il dit que ça peut se faire, du moment que je ne retombe pas sur mon épaule.

La pub' permet de rester indépendant, et gratuit !

On réalise l’opération et tout s’est bien déroulé, au réveil, pas de douleurs. J’ai essayé de bouger le bras au maximum, de rapidement reprendre le sport, tout évoluait bien. Tout le monde me disait que je ne pouvais pas rouler, mais c’est les nations, c’est la folie, tout le matos est déjà là, la moto, les équipements !

Mardi soir, je suis monté en Belgique, mercredi on a fait des tests avec 114 – on avait prévu plus de tests mais vu que j’étais blessé, c’est tombé à l’eau. Je roule donc 7 jours après l’opération, et ça allait, donc direction les nations.

Tu redescends en 250 pour l’occasion, mais du coup, tu roules combien de fois sur la Honda 114 avant les nations ?

Seulement le mercredi avant le motocross des nations, j’ai roulé une heure sur la 250. Mais une heure, une semaine après une opération de la clavicule, c’est surtout 45minutes à rouler tendu. J’ai pu faire quelques réglages pour les suspensions, mais ce n’était pas trop du testing, c’était surtout pour voir comment je me sentais, reprendre un peu la confiance avant les nations. C’est vraiment dommage. J’arrive à Assen le samedi matin pour 40 minutes d’essais. Les 15 premières minutes j’essaye de me détendre, de retrouver la confiance, mais il fallait aussi essayer de mettre au point la moto pendant ces 40 minutes.

@Dailymotocross

Pas trop compliqué de redescendre en 250 ?

Non car je me suis vraiment fait plaisir. C’était du sable pourtant, dans des conditions très compliquées, mais je me suis éclaté, c’était cool. C’est dommage que je me sois blessé, dommage de ne pas avoir pu tester comme prévu, de ne pas avoir gardé la forme physique car je pense qu’au niveau personnel, j’aurais pu faire quelque chose de bien.

Tonus, Seewer et toi, vous aviez vraiment la possibilité de faire un bon coup aux nations. Avec la blessure d’Arnaud, ça enlevait un sacré élément de l’équation et j’imagine que les objectifs ont changé pour les nations ?

En 24heures, on avait perdu deux pilotes. Arnaud s’est blessé le samedi en Chine et moi je me suis pété la clavicule le dimanche. En plus de ça, Seewer se met un coup de raquette en première manche en Chine, il s’éjecte de la moto et il s’ouvre l’arcade, le menton…

Tout est arrivé en même temps, l’équipe Suisse était complètement KO. On partait pour un podium, et d’un coup, on ne savait même pas si on allait réussir à se qualifier aux nations.

Le vendredi, quand je suis arrivé, je savais qu’on n’avait plus rien à faire, mais on voulait mettre la Suisse dans le top 10, on fait 11ème à 4 points de la 10ème place.

Il faut se dire que Cyril, le 3ème pilote, fait second du championnat Suisse derrière moi. C’est un gars qui bosse toute la semaine et roule à moto le weekend, pour le plaisir. Quand tu vis en Suisse, tu ne t’entraînes jamais dans le sable car il n’y a pas de piste en sable chez nous, donc difficile de rouler à Assen.

Au niveau de la préparation avec l’équipe Suisse, vous avez fait des entraînements ensemble ? La fédération Suisse s’est-elle occupée de vous comme la fédération Française des Français, par exemple ?

Non, pas du tout. On n’a pas été embêté au niveau des casquettes non plus (rires). Notre troisième pilote à la base, il roule en Supermotard. Il faisait le championnat national de Supermotard à l’époque et quelques grands prix je crois avant de se tourner vers le Motocross. Malheureusement, en Suisse, on est très peu professionnalisé en motocross.

@Dailymotocross

Étonnant, car Seewer, Tonus et Guillod, sur le papier, ça peut faire podium aux nations. La fédération ne s’investit pas ?

Cette année, ils ont essayé de s’investir un peu plus. On a quand même Jeremy Seewer qui fait vice-champion du monde, Arnaud Tonus qui fait 5ème du mondial MXGP. À nous trois, on pouvait surement jouer un podium aux Nations, du coup, il y avait forcément un peu plus d’intérêt.

Seulement nous en tant qu’équipe, on n’a rien fait ensemble. J’ai vu les vidéos de la France, ils ont passé beaucoup de temps ensemble, ils ont partagé un camping-car, ils ont fait une préparation ensemble et ont passé 72heures ensemble aux nations.

Nous les Suisses, ce n’était pas comme ça. Jeremy Seewer, je l’ai vu 30 minutes lors de la présentation des pilotes le vendredi, puis je l’ai croisé un coup le samedi, puis de nouveau lors des deux manches et le dimanche soir à la soirée Monster Energy.

Vous avez échangé un peu, ou vous avez fait votre truc chacun de votre côté, finalement ?

On se débrouillait chacun de notre côté. Jeremy m’a demandé le dimanche si j’allais faire le tour de chauffe et je ne voulais pas car ça allait pourrir la moto avant la manche. C’est bien de connaître une ou deux traces si tu pars en tête, mais si tu sais que tu vas partir dans le paquet, ça ne sert pas à grand-chose car de toute façon tu iras là où tu pourras aller car tu ne verras rien. (rires)

Lors du warmup du dimanche, j’ai roulé les 10 premières minutes, Jeremy lui, les 5 dernières.

@Dailymotocross

Dis-moi si je me trompe, mais j’ai l’impression que c’était une course individuelle pour vous. « Tant mieux si les autres Suisses réussissent » ?

On est une équipe, on représente notre pays, mais au final, tu te retrouves seul sur la moto. Ce n’est pas à moi d’aller voir Jeremy Seewer pour lui dire comment faire de la moto. Donner un ou deux petits conseils Okay, mais Jeremy sait ce qu’il doit faire, sinon il n’aurait pas terminé second du mondial.

Est-ce que c’est cette cohésion d’équipe qu’il nous manque pour un podium ? Peut-être. Mais sur le papier au final, ce n’est pas comme une équipe de cyclisme, eux sont obligés de pédaler tous ensemble pour réussir et tirer le plus faible du groupe.

C’est assez compliqué au final car sur la moto, on est tout seul. Si je vois que Seewer est devant moi, ça ne va pas me faire rouler deux secondes plus vite au tour si j’essaye d’emprunter son rythme, sinon je l’aurais fait toute l’année ! (rires)

En première manche, je finis 19ème et quand Seewer me met un tour, j’ai vu qu’il y avait du monde derrière, j’ai essayé de faire le bouchon un peu car on était dans le dernier tour (rires), il ne fallait pas que Jeremy se fasse doubler. Un point c’est un point !

@Dailymotocross

Tu fais le 16ème temps, tu termines 14ème de la qualification le samedi, quand tu vois l’état du tracé le dimanche tu te dis quoi ?

Je ne me suis pas posé plus de questions que ça, je suis parti au warmup et j’ai vu qu’au final, ça allait.

J’ai roulé 3 tours assez vite, je fais le 9ème temps de mon groupe, je sors premier pilote 250 du warmup, et c’était parti pour la course.

Je ne me suis pas mis la pression, mon objectif principal c’était de rouler du mieux que je pouvais vu mon état physique, avec la blessure, sans me faire mal.

Forcément, j’aurais voulu faire mieux que ça car les gens jugent en fonction des résultats, j’aurais voulu me battre pour la victoire en MX2 mais c’est comme ça, quand tu arrives blessé, tu ne peux pas non plus t’attendre à trop.

En même temps en 2 semaines, tu n’as roulé qu’une heure sur la 250 avant d’aller aux nations … Difficile de rouler en 250 face au 450 dans ces conditions-là ?

On sait que cette différence de cylindrée est présente mais ça rajoute du piment, de l’enjeu.

Quand je pars, je ne calcule pas vraiment ça, je roule au feeling. Je sais que d’un coup je peux me faire doubler par un gars que je ne connais pas car il est sur une 450.

Je ne calcule pas trop ces choses-là, c’est un peu comme le fait de rouler pour une équipe. Tu ne réfléchis pas, tu donnes ton maximum individuellement car tu ne peux te soucier que de ce que toi tu fais car le but est de faire le meilleur résultat possible. Tu te donnes à fond et advienne que pourra.

@Dailymotocross

Mine de rien, tu termines devant Justin Cooper… tu fais 9ème en MX2 …

Mais oui ! Alors en seconde manche, je tombe dès le départ et je suis reparti bon dernier avant de remonter. Pendant la manche, je me rends compte qu’il est juste devant moi et je me suis dit « Oh puta** lui, je m’en vais te le doubler ! » (rires). Je ne voulais rien lâcher.

J’ai tout de même trouvé ça bizarre car il ne roulait vraiment pas très bien alors qu’il était très fort le samedi. Je le double, et quand je l’ai doublé, il s’est réveillé un peu et il est resté dans ma roue pendant 3 ou 4 tours. Je l’ai vu le soir à la soirée il avait la main bien gonflée, je pense qu’il a roulé blessé le dimanche.

Assen, c’est un circuit pour recevoir un motocross des nations ? On a beaucoup d’avis de spectateurs, assez peu de pilotes finalement.

Oui. Si on regarde, il y avait beaucoup de spectateurs, il y avait une excellente ambiance aussi. Sur un gros événement comme celui-ci, tu peux te permettre d’amener de gros sponsors car tout est fait pour. Les paddocks sont en bitume, c’est propre et sans boue. La femme de l’investisseur pourra se promener en talons sans soucis !

Bien sûr, on critique ces événements car on roule sur des circuits artificiels, on dit qu’il y a des plus belles pistes ailleurs. Mais du côté des spectateurs, tu peux voir 90% de la piste depuis les gradins.

@Dailymotocross

Au niveau de la sécurité des pilotes, on entend ce sujet revenir à propos d’Assen. Si tu te sors à Assen, c’est plus dangereux qu’ailleurs ?

Je me suis loupé dans un virage, je suis passé par-dessus l’appui avant de revenir en piste. Sur un terrain de motocross naturel, tu peux te sortir et te faire tout aussi mal qu’à Assen même si c’est du béton en dehors de la piste.

On va prendre l’exemple de Saint Jean d’Angely à l’époque, regarde l’énorme saut en descente – qui a été enlevé depuis – le fameux Pastrana leap. Si tu te posais un poil à côté de la piste, tu te pulvérisais.

On sait qu’on fait un sport dangereux, qu’on peut sortir de la piste à n’importe quel moment. Mais quand tu roules dans le sud de la France, que la piste est noire tellement elle est dure, c’est pareil que de tomber sur du béton à Assen.

L’année passée, on a vu l’image de Coldenhoff qui perd la moto et qui termine dans le public. Cette année, ils ont enlevé des barrières, bon, voilà… Le but c’est de rester sur la piste (rires).

Le circuit était intéressant, ils ont bien bossé sur la piste, elle était plus rapide, plus ouverte. C’était mieux que les années précédentes, c’était sympa à rouler. Je vais te dire, si tu enlèves les gradins et la piste en asphalte et que tu mets le tracé d’Assen au milieu des arbres dans la forêt – sur un site naturel – on va avoir un second Lommel et les gens vont plus considérer ça comme une piste de Motocross.

Avec le temps de merde qu’il a fait, certains spectateurs ont pu rester à l’abri tout le weekend en regardant les meilleurs pilotes du monde rouler, au sec, je trouve que c’est cool.

Pour finir, j’ai entendu qu’on allait te revoir l’an prochain en grands prix …

C’est bon ça.

Je ne peux pas en parler dans les détails mais je suis en discussion avec deux équipes pour rouler en MXGP l’an prochain, pour faire toute la saison. J’espère que ça va se faire.

C’est aussi pour ça que je voulais vraiment être présent aux Nations. Mais tant que ce n’est pas signé, je ne crie pas victoire.

@Dailymotocross


Retour