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Valentin Guillod “J’ai envie de revenir en grand prix”

Entretien avec Valentin Guillod.

Le sympathique pilote Suisse – qui avait disparu du plateau MXGP fin 2018 – était présent le weekend dernier à Teutschenthal  pour s’aligner de nouveau derrière les grilles de départ d’une épreuve du championnat du monde.

Après quelques saisons difficiles, Valentin avait totalement disparu de la circulation et n’était pas passé loin de raccrocher les gants pour de bon.

Après une longue période de réflexion en restant éloigné des circuits, Valentin a retrouvé du mordant et espère bien pouvoir se faire offrir une opportunité de performer de nouveau en championnat du monde. Après tout, Valentin est un ancien vainqueur de GP en catégorie MX2; et si un retour n’est jamais simple, la détermination du garçon semble sans failles.

En signant un top 15 sans préparation lors du GP Allemand, Valentin a prouvé qu’il était encore largement capable d’être dans le coup. Sélectionné de nouveau pour représenter l’équipe Suisse lors du Motocross des Nations aux côtés d’Arnaud Tonus et Jeremy Seewer, Valentin compte bien mettre toutes les chances de son côté pour réussir à décrocher un guidon, dans un avenir plus ou moins proche.

Valentin, ce GP d’Allemagne …. 13-15 pour un retour en GP après 9 mois d’absence sur le championnat du monde, sachant qu’on avait perdu ta trace pendant quelques mois … Franchement, top, tu reviens de loin.

C’est sûr que si on regarde l’hiver que j’ai passé, et qu’on prend en compte le fait que je ne suis de retour sur la moto que depuis 2 mois et demi, pour un retour en grand prix, faire ce résultat, c’est top, c’est encourageant.

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Au mois de Janvier ou Février, je voulais arrêter la moto, j’en avais par-dessus la tête de tout ça, de ne pas avoir de contrat, d’avoir travaillé comme un malade pendant l’hiver 2017/2018 pour finir par me fracturer le tibia/péroné à 5 semaines de l’ouverture.

J’avais travaillé dur pour revenir à la compétition après cette blessure. Au final, j’ai fait 16ème en Angleterre, deux tops 10 de manche en France et en Italie et puis j’ai choppé un virus en Indonésie qui m’a ruiné toute ma saison, j’étais cuit. Vraiment, j’en avais marre.

Quand je m’imaginais faire de la moto, dans ma tête, j’étais dégoûté, j’avais de mauvaises sensations, c’était une période vraiment compliquée. J’avais juste été rouler deux jours aux USA car j’étais en vacances là-bas avec mon cousin, on avait pris notre équipement, et tout le monde pensait que j’avais signé un deal aux USA mais ce n’était pas du tout le cas [rires].

Début Avril, un pote m’a dit qu’il avait une nouvelle CRF « Tu montes-dessus, tu vas rouler, et tu vois si tu te fais plaisir », et puis je me suis fait plaisir.

Par la suite j’ai fait quelques courses en Suisse, en France, en Allemagne et je me suis retrouvé au GP de Teutschenthal à faire 13 et 15.

À la fin de la première manche, j’étais devant ton camion, je t’ai vu rentrer et exploser de joie avec un membre de ton équipe en le prenant dans tes bras. Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête à ce moment-là ?

Cette personne en question, c’est un ami de Suisse qui habite près de chez moi, c’est lui qui m’a prêté la moto et qui m’a aidé lors de cette période difficile.

Tu sais, c’est là qu’on voit qui te soutient vraiment, et tu te rends compte qu’il n’y a plus beaucoup de monde dans les moments difficiles, quand tu es vraiment au fond du trou.

Lui, il m’a accompagné ces derniers mois, c’est un ancien pilote Suisse.

Ce qu’il se passe dans ma tête à ce moment-là, franchement, c’était cool, ça faisait plaisir. Si au mois de janvier on m’avait dit que je ferais top 15 en Allemagne j’aurais dit « Non, oublie, je n’ai plus envie de faire ça », donc c’était vraiment cool.

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Après, c’est sûr que sur le papier, 13 et 15 ce n’est pas incroyable comme résultat, mais il faut se rendre compte que du 6ème au 16ème en manche, on roule tous dans la même seconde, donc au niveau performance c’est encourageant.

“Je voulais arrêter la moto, j’en avais par-dessus la tête de tout ça […]”

Tu voulais tout arrêter ? Pour faire quoi ? Tu avais des idées ?

Non, pas du tout. Au fond, j’espérais que quelque chose allait changer, qu’il y ait un déclic, que tout change radicalement. Que les choses aillent dans la bonne direction, qu’une équipe m’appelle, une combine comme ça.

Je faisais beaucoup de ski touring et du ski de fond chez moi, beaucoup d’activités en pleine nature à la montagne, j’espérais qu’une équipe m’appelle pour remplacer un pilote, mais vu que je ne faisais pas de moto et que je ne me montrais pas, aucun team ne m’a appelé, forcément …

Mais du coup, pendant cette période où tu as disparu des circuits, tu t’entraînais, tu travaillais, tu roulais à moto, tu faisais quoi concrètement ?

J’ai juste roulé ces deux jours aux USA, puis l’ami en question m’a dit d’essayer la CRF début avril, je suis monté sur la moto, et je me suis dit « c’est reparti ».

Durant toute cette période, j’ai beaucoup travaillé sur moi, j’ai travaillé mentalement. C’était plutôt le mental qui avait craqué, pire, explosé. Avec du travail, le mental revient doucement.

Tu reviens contre des mecs qui roulent toute l’année et qui se préparent toute la semaine, et toi, sans trop te préparer pour le GP, tu reviens et signes un top 15. Ça te donne la niaque pour revenir ? C’est de ça dont on parle ? tu vas revenir, c’est ce dont tu as envie aujourd’hui ?

C’est sûr que vu comme ça, les autres mecs ont 10 GP dans les jambes, une moto réglée parfaitement pour eux, ils n’ont plus que 2 ou 3 réglages à faire, ils ont le rythme de course.

Moi, je suis arrivé avec ma moto, j’ai changé mes réglages de suspension entre le samedi et le dimanche car quand tu roules sur le championnat Suisse où les pistes sont plates et que tu arrives en Grand Prix, la différence est énorme et les suspensions ne suivent pas du tout.

J’ai eu de la chance, Goby Racing était sur place et il a pu m’aider à ce niveau-là.

Après, je roule tout le temps avec une moto d’origine, là, le team Honda KMP m’avait donné quelques pièces pour rendre ma moto un peu plus puissante.

Je me suis entraîné pour des manches de 20/25 minutes comme à l’Elite, je n’ai fait que deux manches de 30 minutes, c’était en Allemagne à l’Adac Masters et au final, j’ai réussi à suivre le rythme des gars. Maintenant, je sais sur quoi je dois travailler dans le futur.

Il faut progresser physiquement, gagner de la force, être un peu plus affûté et ça pourrait donner quelque chose sur les prochaines courses.

Pour reprendre la question. Oui, bien sûr, j’ai envie de revenir en Grand Prix, c’est une preuve de plus que je suis quand même fait pour ce sport. Maintenant, je suis obligé de me montrer, si je reste à la maison comme cet hiver, les gens m’oublient.

C’est pour ça que j’ai décidé de faire pas mal de courses à droite à gauche pour montrer le niveau que j’ai en espérant de trouver un contrat pour l’année prochaine.

“Bien sûr que j’ai envie de revenir en Grand Prix”

Je vais revenir encore plus loin dans le temps, à l’époque du MX2, en 2015, l’époque des podiums en mondial, des premières victoires. Même si bien du temps a passé depuis, le Valentin Guillod de 2015, il est toujours là, au fond de toi ? As-tu toujours cette envie, es-tu prêt à te relancer là-dedans comme avant si l’opportunité se présente ?

Ouais, à fond !

Ce temps-là, c’était de la folie. Battre Jeffrey Herlings ou Tim Gajser à la régulière, c’était plutôt cool !

Bien sûr que j’ai envie de retrouver ce niveau.

Le truc, c’est qu’à l’époque, ça marchait vraiment bien avec Yves Demaria, à la fin de notre collaboration en 2016, il s’est passé beaucoup de choses dans ma vie et je n’ai pas réussi à retrouver une bonne ligne de conduite comme celle que j’avais avec Yves. C’est pourquoi j’ai enchaîné des grosses saisons de galères. Maintenant, j’essaye de tout faire pour retrouver ce petit truc.

Il y a un truc que tu sens au fond de toi, ce truc-là ne ment pas, quand tu as été bon un jour, tu peux retrouver ce niveau. Si tu n’as jamais été bon, c’est difficile, au bout d’un moment il faut savoir se l’avouer et tourner la page. Mais quand tu as été bon, tant que tu n’as pas craché tes tripes, il ne faut pas lâcher. Il faut retrouver la rigueur, la façon de bien s’entraîner.

Est-ce que ce break, pendant lequel tu t’es éloigné du monde de la moto, a été au final bénéfique pour toi, pour te remettre en question, pour remettre un peu d’ordre. Aussi pour que tu te rendes compte que tu es fait pour ce sport et qu’au final, tu sois certain d’être prêt à te remettre dedans à 300% ?

Parfois, la vie nous pousse à faire les choses d’une certaine manière. Est-ce que ce break est arrivé à ce moment-là pour me dire de bosser sur mon mental ? De me concentrer sur cet aspect pour pouvoir régler ce problème et aller de l’avant ?

On fait toujours 12.000 choses à la fois, on fait de la moto, on fait du sport, mais on ne peut pas faire trop de moto, sinon on est fatigué au sport, et inversement, c’est compliqué à gérer, l’hiver, on arrive plus facilement à gérer.

Moi, je ne faisais pas de moto, et quasiment plus de sport à côté, je me suis rendu compte qu’il fallait régler ce problème.

Est-ce que ce break a été bénéfique ? Ouais, peut-être.

“Battre Herlings ou Gajser à la régulière ? C’était plutôt cool”

3 lettres…. KRT ? Moi j’ai cette intuition, je ne sais pas, je dirais KRT…

Je ne suis en discussion avec aucune équipe actuellement. Après, bien sûr, ces 3 lettres, c’est intéressant. Vu la situation dans laquelle ils sont, vu le nombre de pilotes sur le marché à l’heure actuelle qui peuvent faire un top 15, la réponse est évidente de mon côté.

Mais ce n’est pas moi qui prends ces décisions. Moi, j’ai montré ce weekend ce que je savais faire en Grand Prix sur une moto. Depuis que j’ai repris la moto, c’est moi qui fais tout l’entretien, la semaine après l’entraînement je change mes pneus, tout est d’origine, je m’occupe de tout, pour les courses aussi.

J’arrive à faire des tops 15 en grand prix, si j’arrive à avoir une structure professionnelle autour de moi pour pouvoir me concentrer uniquement sur l’aspect moto, en étant strict avec mon entraînement physique, je pense que je peux facilement progresser.

Après, mon boulot, c’est de faire de la moto, les décisions sont prises par les équipes, par mon manager.

Bien sûr, ce serait une belle opportunité pour moi d’aller dans une équipe comme celle-ci.

Nouvelle sélection pour le team Suisse au motocross des Nations à Assen, aux côtés de Jeremy Seewer et Arnaud Tonus. J’imagine que tu les as suivis cette saison. Toi qui as l’habitude maintenant des Nations, tu comptes les préparer comment celles-ci ?

Déjà pour l’équipe, c’est beau. Les deux autres Suisse, Arnaud et Jeremy, ils font plaisir en ce moment ! Je les suis à fond.

Justement, ça me motive, j’ai envie de me rapprocher d’eux de nouveau. Pendant toute notre jeunesse, on a roulé ensemble, on se battait ensemble. Jeremy était un poil plus jeune, mais on a toujours été assez proche sur la piste.

L’équipe Suisse est au top pour les Nations. Il faudra que je monte en Belgique, en Hollande pour rouler dans le sable, je vais essayer d’attaquer ça rapidement pour être prêt pour cette course car je pense qu’il y a un joli truc à jouer. Il faudra bien préparer la course, bien rouler dans le sable, et on verra tout ça.

“J’ai montré ce weekend ce que je savais faire en Grand Prix sur une moto”

Cette règle des 23 ans/des deux titres en MX2, tu en penses quoi toi ? Est-ce que cette règle ne fait pas qu’engorger la catégorie MXGP et pousser tout le monde vers la sortie ?

Ça, c’est un sacré débat (rires)

Je vais te donner deux visions.

Ça fait que le niveau en catégorie MXGP, c’est un truc de malade. Si on prend le niveau actuel à cause de ces règles, tout le monde se retrouve en MXGP et ça fait une catégorie de fou. C’est un point positif pour la catégorie reine ce niveau.

Mais je vais te dire, la règle des 23 ans, c’est un peu dommage car ça peut tuer une carrière.

Si tu regardes en MotoGP et en Moto2, il n’y a pas cette règle. On a l’exemple en Suisse avec Thomas Lüthi qui se battait pour le titre de champion du monde en Moto2, il est monté en MotoGP et il n’arrivait plus à rouler. Cette année il est redescendu en Moto2 et il se rebat pour le titre de champion du monde.

Valentin Teillet était un super bon pilote en MX2, au moment où il a dû passer en 450 car il n’avait plus l’âge, ça a été très compliqué pour lui. Sur une 250 pourtant, c’est un super pilote.

Je pense que certains pilotes sont faits pour la 250, d’autres pour la 450, c’est comme en boxe, il y a les poids plumes et les poids lourds, chacun son gabarit.

Le MotoGP ce n’est pas ce qui me parle le plus, mais moi je regarde au niveau des USA, un gars comme Davalos, 30 ans et plus, encore en 250. Est-ce qu’adopter un système similaire à celui qui est en place aux USA serait une bonne chose sur le mondial ?

Je pense que le système américain n’est pas mal avec la règle des points, ça peut être intéressant car finalement il y a quand même une barrière de longévité car tu ne peux pas rester indéfiniment en MX2, mais on peut quand même y rester un certain temps.

Ce n’est pas parce qu’un mec à 24 ans qu’il est meilleur qu’un gars de 21 ans, chacun a sa propre ligne de croissance et de progression. Moi, à 17 ans j’étais encore un amateur qui faisait ça pour le plaisir, Prado à cet âge-là était déjà champion du monde.

Moi à 23 ans par contre, j’ai commencé à gagner des GP. On n’est pas tous pareil et c’est un peu dommage de bloquer les pilotes comme ça.

Après, pour les deux titres de champion, sur le papier c’est con, mais aux USA ils ont la même règle je crois.

“Mais je vais te dire, la règle des 23 ans, c’est un peu dommage car ça peut tuer une carrière.”

Oui, mais du coup, si tu gagnes très jeune, tu montes aussi très jeune. Un gars comme Prado, il en impose sur la piste, mais quand tu le vois, c’est encore un adolescent, il est tout jeune. Est-ce qu’un Prado va réussir à faire un passage en 450 avec succès dès sa première année, c’est ma question.

La réponse est simple, c’est oui. S’il est fort sur une 250, il sera fort sur une 450.

Ce qui va être important, c’est le travail qu’il va devoir faire pour s’adapter à la 450 mais dans une équipe comme la sienne, avec tous les mecs qui l’entourent, bien sûr que ça va marcher.

Il va être conditionné pour que ça marche.

Ouais, c’est l’avantage d’être dans des grosses équipes comme ça qui ont beaucoup d’expérience et qui encadrent à 100% le pilote. C’est sûr que ça va marcher.

Pour finir, tu vas faire quoi prochainement ? Et ton deal avec KMP c’était juste pour Teutschenthal ?

Je n’ai aucun contrat, je suis totalement libre, les seuls contrats que j’ai sont avec 6D, 100% et Alpinestars. Si un team a besoin de moi, je suis là.

Florent Richier m’avait demandé de faire les dernières courses de l’Elite, donc c’est ce que je vais faire; ce weekend, Rauville, puis Iffendic le 14 juillet.

Pour KMP, j’étais parti à l’Adac de Moggers avec ma moto d’origine, et puis ils m’ont dit de me mettre sous l’auvent, m’ont posé des stickers sur la moto et j’ai plutôt bien roulé. Du coup ils m’ont proposé de faire le GP d’Allemagne en me payant l’inscription, c’était cool.

Ensuite, ils m’ont dit que si je voulais revenir faire des courses si je n’avais rien d’autre, je serais le bienvenu. Du coup, les weekends où je n’aurais rien à faire, j’irais faire l’Adac, et à côté de ça je roule en championnat Suisse et sur l’Elite.

“Je n’ai aucun contrat, je suis totalement libre”

Tu vadrouilles. On espère un coup de fil pour terminer la saison du côté des GP du coup.

Voilà, c’est pourquoi je n’ai aucun contrat, je roule sur une moto qu’on me prête, comme ça je suis libre.

Si demain je veux rouler sur une Yamaha je peux, sur une KTM, je peux. C’est pourquoi je ne voulais signer aucun contrat. Si quelqu’un a besoin de moi, ils n’ont qu’à m’appeler, je suis disponible.

Est-ce que tu veux faire passer des remerciements ?

Je voudrais remercier 6D, 100% et Alpinestars, même malgré mon hiver compliqué ils ont continué à me soutenir, ils m’envoient du matériel maintenant. Ils sont vraiment top et ça me fait plaisir de voir des personnes qui m’aident même dans les moments difficiles. Je remercie Greg de m’avoir prêté la moto et de m’avoir aidé ces derniers mois avec l’entrainement moto, l’entraînement physique, et de m’avoir donné des coups de pouce.

Et puis bien sûr toutes les personnes qui ont été à mes côtés durant l’hiver pour retrouver la motivation, merci à eux.


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