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Jeremy Martin “J’ai dû tout reprendre à zéro”

“Je comparais à ce que je faisais avant, mais ce n’était pas possible, je ne pouvais pas m’approcher de cette charge de travail”

Plus d’un an qu’on n’avait pas revu Jeremy Martin et sa Geico Honda s’aligner derrière une grille de départ. Après s’être fracturé le dos à Muddy Creek en 2018, l’ancien champion national 250 a subi deux interventions chirurgicales majeures sur la route de la guérison, non sans rencontrer quelques embûches.

Après seulement quelques semaines d’entraînement à son actif, Jeremy Martin a pris la décision de dernière minute de participer à la Monster Energy Cup le week-end dernier et a terminé à une encourageante huitième place au classement général au guidon de sa Geico Honda.

Jeremy se prépare désormais pour le Supercross de Paris. Il a donné de ses nouvelles après la Monster Cup sur le Kickstar Podcast de SwapMotoLive.

Jeremy Martin

“Il a fallu faire un long chemin juste pour être en mesure de m’aligner de nouveau derrière une grille de départ.

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Avant la monster Cup, j’ai roulé en Supercross pendant environ 2 semaines. Sinon, j’ai repris l’entraînement moto autour du 20 août. Quand je suis remonté sur la moto, c’était vraiment émouvant pour moi. Beaucoup de choses me sont passées par la tête. J’étais sur le terrain d’un ami, j’ai pris les whoops vraiment très lentement car je ne savais pas trop si ça allait aller… Je pensais à mes amis, à Jessy Nelson, à ceux qui eux ne peuvent plus rouler. Avec tout ce que j’ai traversé, j’étais vraiment prudent … J’étais trop heureux de remonter sur ma moto.

Tu sais, je n’ai jamais pensé à raccrocher les gants mais parfois je me demandais si j’allais voir la fin de cette galère, si j’allais être un jour à 100%, si j’allais pouvoir me pencher de nouveau, ramasser un objet au sol, refaire de la moto, tout ça.  Parfois c’était dur mais je n’ai jamais remis en question ma passion pour le sport.

Je n’ai plus la même amplitude de mouvements au niveau de mon dos, je travaille encore là-dessus aujourd’hui. Je fais attention à ma posture, je dois faire attention à la position de mes épaules pour m’assurer un bon positionnement avec mon dos pour ne pas souffrir plus tard. Tu sais, en moto, on est dans une position d’attaque particulière et j’avais un peu peur de ça, avec les épaules en avant et la tête au-dessus du guidon. Je n’avais pas envie d’être le type qui, à 30 ans, ressemble à un vieux de 50 ans.

@Rich Shepherd

Quand j’ai eu le feu vert pour reprendre l’entraînement, j’ai beaucoup nagé dans ma piscine car je ne pouvais pas courir donc c’était un bon moyen d’activer les muscles de mon dos. J’ai beaucoup nagé et pourtant je suis un très mauvais nageur, mon corps n’est pas fait pour être dans l’eau [rires]

Ensuite, j’ai fait beaucoup de volume d’entraînement en vélo. Mais être en position sur un vélo me faisait très vite mal, je fatiguais vite. J’ai commencé à faire du vélo 30 minutes sans mon corset et il fallait que je le remette. J’ai dû bosser beaucoup pour me débarrasser de ce corset et pouvoir faire du simple vélo sur la route. Ensuite, j’ai beaucoup fait de sorties de 3 heures. Maintenant, avec Eli Tomac, on fait beaucoup de vélo. Quand j’étais en rééducation je ne pouvais pas aller à la salle de sport donc je faisais énormément de vélo, c’était mon truc pour me remettre en forme, tous les jours.

En un an et demi, je n’ai rien soulevé de plus lourd qu’une bouteille de 3 litres de lait jusqu’au jour où on m’a donné l’autorisation de reprendre des activités sportives. Les impacts et autres compressions à moto au niveau de mon dos étaient terribles au début. Je ne pouvais faire que 4 ou 5 tours et je rangeais la moto. Lors des appels, des réceptions, j’avais mal, si je me mettais un peu court, c’était encore pire. Le médecin m’avait prévenu que j’étais en bonne santé mais que j’allais avoir mal. Il m’a dit « commence par sauter 10 mètres et augmente graduellement » et c’est ce que j’ai dû faire.

@Rich Shepherd

J’ai changé de chirurgien entre les deux opérations grâce à John Tomac. Je sentais bien que quelque chose n’allait pas. Quand j’étais au Minnesota, mon chirurgien n’a pas voulu me revoir avant les 1 an suivant l’opération. Pourtant, j’avais encore mal quand je marchais, je me réveillais le matin et ça allait mais dès le début de journée j’avais mal et je me demandais pourquoi. J’ai été voir ce nouveau chirurgien pour un check up après 6 mois pour voir comment la guérison se déroulait et en fait, absolument rien n’avait avancé. C’est là que j’ai appris qu’il allait falloir que je me fasse opérer de nouveau car la première opération n’avait pas été effectuée correctement et que rien n’avait guéri. Ils m’ont réopéré en Janvier pour finalement trouver une infection, pas étonnant que mon dos ne guérissait pas.

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Quand j’ai enfin pu reprendre l’entraînement, j’ai dû reprendre tout à zéro. J’avais perdu tous les muscles abdominaux, tous les muscles dorsaux, j’avais perdu toute ma musculature, activer les muscles après une si longue période d’inactivité était vraiment difficile. Au début, je voulais rouler des heures mais je devais m’arrêter assez vite car la douleur était présente, il a fallu que je gère mon ego. Forcément, je comparais à ce que je faisais avant, mais ce n’était pas possible, je ne pouvais pas m’approcher de cette charge de travail.

J’ai commencé par rouler sur un circuit avec des virages, des lignes droites, sans sauts, pendant peut-être un mois complet avant de réellement rouler sur un vrai circuit et tenter de sauter à nouveau. Le lendemain de mon premier entraînement à moto, j’avais tellement mal que je n’ai pas pu sortir de mon lit tout seul. J’ai pris rendez-vous pour un massage, et après le massage, c’était encore pire.

@Jeff Kardas

Pour la Monster Cup, dis-toi que j’étais dans mon canapé à manger une glace aux cookies le dimanche avant l’épreuve. Je parlais à John Tomac et je regardais le tracé de la piste, j’ai vu que ça allait dans les deux sens, je me suis dit que ça allait être intense et tout… Puis j’ai envoyé un message à mon team manager « Hey, tu en dis quoi si je roule sur la Monster Cup ? » et il m’a répondu instantanément « T’es bourré ? ». Finalement, ça a fonctionné, ils se sont dit que si je me sentais de participer à la course, alors ils allaient me soutenir.

J’avais ma 450 d’entraînement dans le Colorado donc ils ont dû me préparer une moto en 2 jours. C’était une Honda 450 d’origine avec un échappement Yoshimura. Finalement, j’ai ramené ma moto d’entraînement et c’est avec celle-ci que j’ai roulé car j’étais plus à l’aise dessus. C’est mon mécanicien d’entraînement Kyle qui s’est occupé de moi sur la Monster Cup car mon mécanicien attitré, derrick, avait planifié des vacances avec sa famille. J’ai décidé de m’aligner sur la Monster Cup la veille de son départ en vacances, il n’était pas super content [rires]. Du coup, Kyle a pris le camion et il a ramené ma moto d’entraînement à Vegas pour que je roule avec.

2019-Monster-Energy-Cup-Kickstart_0101

@Michael Antonovich

Lors de la journée de presse, c’était un peu difficile, j’étais lent à me mettre dedans. Je pense que j’aurais pu passer certains enchaînements plus tôt que je ne l’ai fait mais vu d’où je reviens je me suis dit de prendre les choses tranquillement, de ne pas jouer le héros, de rester dans ma zone de confort. J’ai progressé à chaque sortie sur le circuit, lors de chaque finale aussi.

C’est sûr que de me mettre court sur un enchaînement, ça m’a aussi rassuré sur le fait que je pouvais repousser un peu mes limites sans prendre de risque au niveau de mon dos. On roule en 450, ces machines sont à respecter, on va tous faire des erreurs. Le plus important, c’est d’être capable de rouler avec la bonne technique pour pouvoir s’en sortir en cas d’erreur, éviter la chute.

@Jeff Kardas

J’étais nerveux mais je me suis senti vivant pour la première fois depuis mon accident. J’avais l’opportunité de bien faire, j’étais mis à l’épreuve. En tant que pilote, quand tu roules chaque semaine et que tu te bats pour un championnat, la pression est présente mais tu oublies certains aspects, tu prends les choses pour acquit.

Ce qui m’a rendu le plus nerveux, c’était d’être à côté d’un autre pilote lors d’un enchaînement car c’est comme ça que je me suis blessé. On s’est percuté en l’air et je me suis explosé au sol. Il m’a fallu un peu de temps pour être à l’aise avec cette idée et c’est pour ça que je voulais rouler. Étonnamment, sur la piste, j’étais dans un bon état d’esprit, je ne pouvais pas contrôler ce que les autres allaient faire de toute façon.

J’étais dans un bon état d’esprit, vraiment.”

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@Michael Antonovich


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