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Ryan Hughes “Tu n’iras jamais plus vite que ta technique ne te le permettra”

“Pour être capable d’exceller dans ce sport de nos jours, la différence se fait par la technique.”

Bien qu’il n’ait jamais remporté de titre national aux USA en 15 ans de carrière (exception faite d’un titre en Endurocross en 2004), Ryan Hughes compte une petite poignée de victoires en SX et en MX outre Atlantique dans les années 90. Le vice champion de motocross catégorie 125cc en 2003 a raccroché les gants en 2005 après avoir été un des pilotes les plus influents de sa génération.

Désormais, Ryno voyage, donne des cours de pilotage aux 4 coins du monde (Ryno Institute) et développe sa marque de compléments alimentaires (Ryno Power). Si vous ne le suivez pas sur Instagram, il est l’un des profils à ne pas manquer …

À l’image d’un certain David Vuillemin, Ryan Hughes a toujours prôné l’importance de la technique …. Mais dit, Ryan, c’est quoi exactement, la bonne technique ?

C’est quoi, la bonne technique ?

La bonne technique, c’est la technique fonctionnelle. C’est mettre votre corps dans la position dans laquelle il est le plus stable, le plus efficace et le plus coordonné avec la machine. Une position qui permet à toutes les articulations de bouger en accord avec la machine, tout comme chaque pièce de la moto va bouger en fonction de ses capacités. Chaque articulation du corps doit pouvoir se déplacer au maximum de son potentiel, de sorte à pouvoir exploiter pleinement ton propre potentiel.

La clef, c’est d’être relâché, prêt à s’adapter aux changements. Tu roules sur un circuit qui change en permanence, il n’y a pas de constance. Il faut donc être en mesure de s’adapter, faire un avec la moto, rouler avec plutôt que de rouler contre la moto. Si tu roules tendu, si tu es raide, tu n’y parviendras pas.

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Ryan Hughes

Quand on parle technique, on pense à Roczen, Musquin …

Idéalement, l’objectif est d’atteindre ce niveau de technicité. Mais comment y parvenir ? Pourquoi ils font ça comme ça ? Où le font-ils ? C’est ce qu’il faut comprendre. Il faut décomposer les gestes techniques afin de comprendre ce qu’ils font à un moment bien précis. Il y a tellement de facteurs qui rentrent en compte quand on parle de technique … Comment savoir si on a une technique correcte ? Comment savoir quand notre technique est mauvaise ? Trop souvent, on se focalise uniquement sur la vitesse des pilotes. Ils sont tous rapides, leurs motos sont au top, oui, ce sont des pros, mais pourquoi arrivent-ils à faire ce que d’autres n’arrivent pas à faire ?

Sérieusement, les gens n’ont aucune idée à quel point il est difficile de rouler en Supercross. C’est tellement complexe.

Il y a des bases, et il faut que nous – instructeurs – nous soyons capables d’expliquer les fondamentaux d’une façon claire. Expliquer ce qu’il faut faire pour espérer pouvoir un jour rouler en moto à ce niveau.

La “Never quit” attitude

On voit des pilotes comme Roczen ou Tomac qui excellent en motocross mais qui – pour certaines raisons – ne retrouvent pas le même succès en Supercross.

Une mauvaise technique sera bien plus pardonnée en motocross qu’en Supercross. Le Supercross, c’est une succession d’enchaînement d’actions très précises, le moindre détail compte et tout peut arriver. À cela, il faut ajouter qu’il n’y a pas beaucoup de pilotes capables de rouler correctement sur une 450 en Supercross à ce niveau-là. C’est pourquoi les tops ne restent pas au top longtemps, car peu d’entre eux sont capables d’y parvenir. Même à mon époque, c’était compliqué.

D’un, le Supercross, c’est vraiment compliqué, de deux, il faut être parfait techniquement. J’ai entraîné Tomac, Wilson, Craig, j’ai parlé technique avec Dungey, Roczen, Barcia, Febvre, j’ai parlé beaucoup avec Chad Reed à ce sujet. Pour être capable d’exceller dans ce sport de nos jours, la différence se fait par la technique.

Ryan Hughes

En ce qui concerne l’entraînement, quelles sont certaines des idées fausses qui reviennent ?

On se concentre sur certaines choses sans réelle importance.

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Les gens assument qu’un pilote est en forme simplement parce qu’il fait plus de vélo que le reste ? Connerie. Pour moi, c’est un peu la dernière preuve d’une forme physique.

Tu pilotes une moto de plus de 90kg sur une piste qui change en permanence. Il faut être stable et équilibré, efficace sans déchets, avoir de la force et du cardio. Pour aller vite à moto, il n’est pas question de forme physique. Le fitness, c’est bien, mais ce n’est pas ça qui te fera aller vite, c’est la technique qui crée la vitesse, le fitness va te permettre d’aller vite pendant une période prolongée.

Si on parle uniquement du fitness, je dirais que le cardio est le dernier point sur lequel il faut travailler. Pourquoi ? Car ce n’est pas en ajoutant des kilomètres à ta sortie de vélo ou en soulevant plus de poids à la salle que tu vas mieux réagir quand ta moto va faire quelque chose d’inattendu et que tu vas retenir ta respiration par réflexe, ce qui est au passage le meilleur moyen de finir par t’épuiser sur la durée d’une manche.

Un vélo de 5 kilos et une 450 d’usine n’ont rien à voir, tes sorties de vélo vont te défier côté cardio, c’est tout. Faire trop de sorties à vélo encourage surtout une très mauvaise position du corps, un dos arrondi, un fessier sorti. Il faut faire extrêmement attention à ne pas habituer à son corps à rester en position statique durant l’effort, car sur une moto, tu recherches tout l’inverse. De plus, le vélo, c’est lent … Ça te transforme en salamandre… En Supercross, tu veux être agile comme un chat, pas lent comme une salamandre. Est-ce que le cardio joue un gros rôle en Supercross ? Oui, bien sur – mais ce n’est pas le Saint Graal …

Une autre erreur, c’est de constamment se focaliser sur la vitesse, la vitesse et encore la vitesse. Devine quoi, tu peux devenir très fort, mais tu peux aussi devenir très fort en faisant les choses de la mauvaise façon, et tu n’iras jamais plus vite que ta technique ne te le permettra. Une fois que tu roules au-dessus de tes pompes, trop vite pour ta technique, rouler peut devenir dangereux, et comment peux-tu réellement travailler quand tu roules au-dessus de tes pompes ? Il faut être humble et être capable de travailler sur ses points faibles, travailler sur les déséquilibres, plutôt que de se concentrer sur la vitesse en piste.

Comment on fait pour vraiment kiffer sa carrière en MX de nos jours ?

Toute chose touche un jour à sa fin. Des mecs comme Villopoto et Carmichael – même s’ils avaient l’air complètement cramé en fin de carrière – ils ont forcément kiffé, sinon, ils n’auraient pas fait ça. Un jour, tu en arrives au point ou ça doit se terminer, et c’est là qu’il faut arrêter.  C’est comme ça pour tout le monde et dans n’importe quelle carrière professionnelle. À un moment, tu te dis “j’arrête”.

C’est ce qui m’est arrivé. J’ai mis un terme à ma carrière en plein milieu d’une saison, j’étais en tête d’un championnat [tout-terrain]. Je menais une course et j’ai abandonné en plein milieu. L’équipe m’a demandé “qu’est-ce qu’il se passe ?” et j’ai dit “j’arrête”.

Pourquoi ?, simplement parce que c’était le moment, c’était terminé pour moi. J’avais un contrat usine chez Suzuki, je me faisais 300.000$ par saison, mais j’ai dit “j’arrête”.

Qu’en est-il d’un gars comme Jason Anderson, qui a l’air de tout faire pour montrer qu’il profite de sa carrière?

Il est juste comme ça. Je ne pense pas qu’il se dise “Je fais ça pour prendre du bon temps”. Il est juste comme ça. Jeremy Mc Grath, Jeff Emig, moi-même, on s’éclatait à l’époque. Maintenant, avec les réseaux sociaux, on n’a surtout plus le droit de montrer aux gens qu’on s’amuse, il faut toujours être sérieux. C’est des conneries. Tout le monde se doit de vivre la vie “Instagramable” ou il ne faut rien dire de mauvais, ne pas faire de pas de travers, et c’est chiant à mourir.  Fais les erreurs, dit des choses qui peuvent offenser, c’est ce qu’un gars comme Jason Anderson fait et c’est pourquoi il a autant de fans, car il fait ce qu’il veut, il dit ce qu’il pense.


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