Interviews

Sans détours – Christophe Pourcel

Une interview « sans détours » avec Christophe Pourcel.

Personnalité incontournable du Motocross Français, Christophe Pourcel a désormais pris ses distances avec la compétition, après une dernière saison au Canada en 2017. Une carrière garnie d’un titre de champion du monde 250 acquis en 2006 auquel vient s’ajouter deux titres de Supercross US Lites (2009 et 2010); doit-on encore présenter Christophe Pourcel ?

Désormais domicilié dans le sud de la France après avoir vécu 10 ans aux Etats-Unis, Christophe s’occupe à temps plein de son école de pilotage avec laquelle il effectue des stages à Chateauneuf-les-Martigues. Christophe nous rejoint aujourd’hui pour le deuxième opus de la rubrique « sans détours ».

Lors de cet entretien, Christophe est revenu sur sa carrière, et m’a donné un avis franc et sans langue de bois sur certains sujets d’actualités.

Au programme, l’après carrière de Christophe, l’époque Pro Circuit, le départ au Canada, le “rêve” Américain, le dopage, le retour de Ken Roczen, la blessure en 2007, l’école de pilotage de Christophe, l’évolution du mondial MXGP , le programme du Français pour 2020, la collaboration avec Ivo Monticelli, le coaching de pilotes, les réseaux sociaux, et bien plus encore …

Christophe, avant même de rentrer dans le vif du sujet, dis-moi, est-ce qu’on va te voir en piste en 2020 ?

Salut à tous ! Alors oui, en 2020, j’ai prévu de faire quelques courses internationales comme l’an dernier; ensuite je vais continuer à rouler pendant mes stages pour faire plaisir aux gens qui y participent. Mon école de pilotage est accessible à tous, cette dernière est basée à Châteauneuf-les-Martigues et je suis investi à 200% dans ce projet. Ça me tient à cœur d’aider les gens.

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Christophe Pourcel @Sebastien Petiot

C’est parti. À l’intersaison US , les pilotes ont eu la possibilité de tester les communications radios pendant les manches de la Monster Energy Cup. Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait venir s’installer en championnat AMA et qui s’avérerait utile ?

Bonne question. C’est sûr que c’est un plus pendant les essais, surtout pour communiquer au niveau des chronos et des trajectoires. Par contre pendant les manches, difficile d’entendre la radio quand on est concentré, dans un tour rapide, et qu’on roule à fond mais pourquoi pas, il y a du potentiel derrière l’idée.

Pour ma part, j’ai déjà essayé ce type de système à l’entraînement, c’était bénéfique, ça apportait un petit plus. D’ici 5 ans, on pourrait pourquoi pas voir ce système s’installer, si la technologie est au point, bien entendu.

Les temps changent, les réseaux sociaux sont beaucoup utilisés dans le monde du sport, je sais que tu les utilises aussi. Instagram, Facebook, ça a un impact plutôt positif ou négatif selon toi ?

Alors les réseaux sociaux peuvent apporter du positif et du négatif, c’est selon comment on les utilise. Il faut rester vigilant et ne pas y passer trop de temps. Il faut lier son compte Instagram et son compte Facebook pour gagner du temps, poster beaucoup de choses positives sur notre profil pour donner envie aux gens de nous suivre, que tout ça ait un sens.

Pendant les entraînements, je déconseille l’utilisation des réseaux – concentration –  mais quelqu’un de l’extérieur peut nous filmer afin de partager le soir sur les réseaux sociaux, mais surtout, pas de téléphone lors des entraînements, et surtout, entre les sessions.

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Est-ce que tu t’intéresses encore au mondial ? Si oui, penses-tu que ce dernier a évolué dans la bonne direction depuis ton départ ?

Oui, je m’intéresse toujours au mondial. Je suis l’évolution de ce championnat et je trouve qu’il y a beaucoup plus de monde qui s’y intéresse, plus de couverture médiatique & télévisée, plus de tout ! Je vois beaucoup de positif dans l’évolution du mondial, même si le problème reste qu’il faut aujourd’hui mettre beaucoup d’argent sur la table pour rouler en grands prix, mais les usines et les investisseurs sont prêts à mettre le budget.

Pouvoir suivre les manches en direct, c’est vraiment super, le plateau est top, les infrastructures ont vraiment changé, ça a évolué, et dans le bon sens. Ça fait plaisir à voir.

Tu avais travaillé avec Ivo Monticelli et pendant votre collaboration, il avait franchi un cap indéniable. Pourquoi avoir stoppé cette collaboration à l’époque ? Travailler avec un pilote de GP, à l’image d’Eric Sorby chez 114 Honda, ça pourrait te brancher ?

Exactement ! Ivo, c’et un mec super. On a dû arrêter de travailler ensemble car je ne voulais pas me déplacer à travers le globe toutes les semaines. Ivo est Italien donc sur un mois, je devais aller vivre chez lui une semaine, passer deux semaines en Belgique sous la pluie et j’avais enfin une semaine de disponible en France pour moi. Ce n’était pas une vie pour quelqu’un qui venait d’habiter 10 ans aux USA, loin de sa famille; il était temps pour moi de profiter de mes proches.

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Profiter de mes proches, c’était mon objectif principal et aussi avoir la santé. Du coup, l’entrainement avec Ivo est passé au second plan et de fait, j’ai décidé d’arrêter de travailler avec lui. Je pense lui avoir beaucoup apporté mais je ne pouvais malheureusement plus continuer.

En ce qui concerne Eric et son travail avec les pilotes Honda 114, c’est top car il aime voyager avec sa famille. Je suis personnellement dans une passe où j’ai envie de me poser avec ma famille et me consacrer à mon école de pilotage. Livia et moi, on se connaît bien et quand on a parlé de son team, elle a rapidement compris que gérer les pilotes de son équipe n’était pas dans mes projets actuels, non pas que le projet ne soit pas intéressant, c’est un super projet, simplement, il n’était pas en phase avec ma vie actuelle.

@Christophe Pourcel – 2009 – @Steve Cox

Dans un contexte plus personnel, quand tu as mis un terme définitif à ta carrière, est-ce que tu as mal vécu le temps d’adaptation à l’après carrière ?

Alors là …. l’après carrière, c’est toujours quelque chose de très, très compliqué.

Pour ma part, c’était vraiment compliqué car j’habitais loin de tout, aux USA. En plus, j’ai dû arrêter de rouler à cause de mes problèmes aux cervicales, et 6 mois après avoir pris ma retraite sportive, j’avais encore des problèmes. J’ai beaucoup réfléchi à ma vie, j’avais envie de rentrer au pays, envie de profiter de mes proches, de revenir sur mes terres d’origine. Je n’étais plus du tout dans la même optique de vie que ma compagne aux USA et j’ai décidé de tout plaquer et de rentrer en France.

L’adaptation, revenir en France, c’était compliqué, tout est différent ici, mais je me suis bougé, j’ai repris contact avec les gens qui me sont chers, je me suis bougé avec la FFM pour faire des formations, aujourd’hui, je suis fier d’avoir autant mûri, d’avoir autant appris grâce à ces formations.

@Christophe Pourcel – 2009 – @Steve Cox

2017, tu avais fini par rouler au Canada avec Husqvarna, on peut revenir dans le temps et parler de ce qui avait engendré cette décision ?

Encore une fois, cette décision fait suite à mes deux blessures aux cervicales. Je me suis fait la vertèbre cervicale C3, puis 3 mois plus tard, la vertèbre cervicale C6. Ça n’allait plus trop, le Supercross devenait de plus en plus compliqué pour moi. J’avais des douleurs, je voulais réussir, mais c’était vraiment risqué et dangereux après ce type de blessure donc j’ai décidé de prendre moins de risques et de faire uniquement du motocross. Bon, ça reste dangereux, mais quand même beaucoup moins, surtout au Canada ou le niveau est moins relevé qu’aux USA.

Je suis donc parti au Canada, où j’ai voyagé, et je me suis amusé. C’était une bonne expérience mais je n’ai pas reconduit pour l’année suivante car j’avais toujours mal aux cervicales. J’ai gagné la moitié des épreuves au Canada, et lors de la dernière course, dans le tout dernier tour de la dernière manche, j’ai pris ma décision: il était temps pour moi d’arrêter.

@Husqvarna

L’an dernier, on a beaucoup entendu parler du syndrome d’Epstein Barr, de fatigue chronique. Surentraînement ? Bonne excuse ? Les deux ?

Je ne pense pas que ce soit des excuses. Le surentraînement aux USA arrive très fréquemment. Les pilotes ont des entraîneurs qui leur font faire des programmes de fou, le problème, c’est que si on prend l’exemple de la Floride, il fait 40 degrés et 100% d’humidité et les conditions ne sont pas idéales pour faire du gros volume d’entraînement, de l’intensité. C’est bon pour se vider, épuiser son corps et ensuite finir avec ces syndromes de fatigue chronique.

Tout est dans la démesure, tu sais, les pilotes Américains, il leur faut des gros camions, beaucoup de fans, des entraîneurs, des journalistes, etc … La vie à l’américaine quoi. Ils sont très volontaires, même trop volontaires, au point d’en faire trop, de se mettre dans le rouge, et d’être malade après.

Christope Pourcel – High Point 2009 – @Steve Cox

Ken Roczen est revenu de loin. En 2007, tu as aussi dû te battre pour revenir de très, très loin. Tu connais ce processus. Tu le vois champion ? Mentalement, c’est difficile de se reconstruire après tout ça ?

Roczen …Je ne suis pas la meilleure personne à qui poser cette question.

Ken Roczen, je l’aime bien, mais je ne suis pas un fan de son retour à la compétition. J’ai toujours dit qu’il allait refaire de la moto. Regarde, j’ai été complètement paralysé en 2007 suite à ma chute et pourtant, je suis revenu de l’impossible. Avec la rage de vaincre, on peut tout faire. Ken Roczen, c’était un bras, je n’ai jamais douté qu’il reviendrait. Je me dois de lui donner mon respect pour tous les efforts qu’il a fait et pour son retour en compétition tout de même.

L’an dernier, il avait des problèmes de santé … ou pas ? bonne excuse ? Moi, j’ai eu des problèmes de santé pendant 10 ans après mon accident en Irlande, pourtant, je ne me suis pas plains, je n’ai rien posté sur les réseaux sociaux, j’ai fait avec, je n’avais pas le choix.

Honnêtement ? Je suis un peu déçu de sa saison. Attention, il roule très bien, mais plus comme avant, il ne prend pas beaucoup de risques. D’un côté, je peux le comprendre, il appréhende, et c’est déjà beau de faire ce qu’il fait mais on ne voit plus cette rage de vaincre. J’ai du mal à comprendre ça, après tout ce qu’il a subi, après avoir enduré des douleurs qu’on ne peut expliquer, il devrait en vouloir encore plus et être 100 fois plus fort que les autres… Dommage. Oui, ça m’agace; car j’ai vécu la même chose en 2007 …

@Steve Giberson

La Wada, Stewart, Tickle, Craig, Clason… On a beaucoup entendu parler de dopage ces dernières années. As-tu été confronté à du dopage pendant ta carrière ? Penses-tu que ce soit plus répandu qu’on ne le croit ?

Pour moi le dopage c’est de la triche, et j’ai toujours refusé de prendre des produits. Je voulais faire une carrière courte et vivre tranquillement par la suite. Je voulais gagner sans me doper, et je suis fier d’y être parvenu, par contre, je ne suis pas fier d’avoir perdu des titres contre des gens qui se sont dopés. Ils récupèrent 3 fois plus vite, ils peuvent supporter des charges de travail plus importante, c’est juste inadmissible.

Au tour de France, les mecs n’arrivent pas à déceler le dopage, ils le trouvent seulement par dénonciation, comme pour Lance Amstrong, alors dans la moto, ils ne trouveront pas grand chose. Parfois, ils choppent quand même quelques pilotes qui ont pris des substances.

Oui, je pense qu’il y a plus de pilotes qui se dopent qu’on ne le croit, après, franchement, je suis contre le dopage, donc ça ne m’intéresse pas de savoir qui se dope ou non.

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@Husqvarna

Tu as roulé pour Mitch Payton chez Pro Circuit. C’était comment avec lui, et avec les coéquipiers Américains ?

L’entente est … comment dire ça … C’est le boulot. C’est du sérieux avec Mitch.

Avec les coéquipiers, ce n’était pas top, car il y a beaucoup d’argent en jeu, mais sinon, l’équipe travaille jour et nuit pour nous et franchement, Mitch était top avec moi et je ne peux que le remercier d’avoir autant cru en moi. C’est un énorme bosseur, un bon gars qui sait s’occuper d’une moto et de nous faire gagner. Le reste du temps, on ne le voit pas.

On est là pour le travail, c’est tout ce qui nous intéresse, on n’a pas vraiment le besoin de faire copain copain avec les gens du team.

Le rêve Américain, est-ce que tu l’as vécu ?

Le rêve Américain ? Non.

Pourquoi ? Car c’était très dur de s’adapter à la vie aux USA. L’accueil n’était pas si chaleureux que ce qu’on pourrait croire. Par contre, en 2009 et 2010, les années ou je me suis battu seul aux USA, j’ai énormément mûri, suite à mon accident de 2007. Avoir été paralysé, ça m’avait donné la rage de vaincre.

Je suis fier d’être parti de cette façon, seul, et d’avoir battu les américains chez eux, c’était un rêve de gosse que j’ai réalisé.

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@RacerX

Si tu devais revenir en arrière et changer une chose – au niveau de ta carrière – ce serait quoi ?

Je ferais en sorte de ne pas chuter en 2007 et je reverrais certains de mes choix aux USA.

Avec le recul, je pense que j’aurais dû partir deux ans aux USA et rentrer en Europe pour finir ma carrière ici, contre Antonio Cairoli. Mes choix aux Etats-Unis n’ont pas toujours été les meilleurs, mais moi, je suivais les conseils de mes agents, et ils n’ont pas toujours su négocier les bons contrats aux bons moments.

Quand ce genre de situation arrive, ça devient le problème du pilote. Pourtant, on leur donne beaucoup d’argent pour gérer tout ça, c’est à eux de faire le nécessaire. Si tu me demandes, je serai probablement encore en train de rouler en MXGP avec Kawasaki, avec mon père, qui était le boss chez Kawasaki à l’époque.

@Kawasaki

Ton meilleur et moins bon souvenir en compétition.

Ma chute de 2007, le pire des cauchemars. Le meilleur souvenir,  c’est d’avoir remporté le titre aux USA en 2009 après être revenu de mon grave accident de 2007, c’était magique !

Parles-nous de ton école de pilotage, ça fait longtemps que tu voulais mettre ça en place ? C’est quoi ta vision avec ce projet ?

Tout d’abord, je suis vraiment content d’être en France et de pouvoir venir en aide aux pilotes volontaires. Avant aujourd’hui, je n’avais jamais vraiment eu le temps.

Avec l’aide du Motoclub de Chateauneuf-les-Martigues, on a une piste au top et un accès avantageux pour les licenciés du club qui participent aux stages. Le projet se construit, doucement. Le but est d’avoir un bon groupe, qui monte en puissance et qui évolue pour la compétition.

Je sais ce dont ils ont besoin, il suffit à présent de les aider, de les accompagner, de leur faire découvrir leur vrai potentiel en toute sécurité. Je pense qu’avec mon expérience, mes 15 ans de carrière, mon titre de champion du monde, des titres aux USA et avec le soutien de la FFM au niveau pédagogique, je peux vraiment aider les pilotes à progresser, à apprendre des choses qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs; au niveau de la façon de voir la piste, de la gestion du stress, de l’aspect mental, de la nutrition, du physique, et des trajectoires.

@Instagram – Christophe Pourcel

Tu te vois où et à faire quoi, dans 5 ans ?

Là où je suis actuellement, dans 5 ans, ça sera très bien. Je me vois éducateur sportif avec ce projet bien abouti, avec des jeunes motivés, respectueux, et sentir que je leur apporte quelque chose.

Un pronostic pour le championnat SX US et pour le championnat MXGP ?

En mondial MX2, je vais dire Tom Vialle pour son talent, sa finesse, son entourage et son équipe, il a tout pour être champion du monde MX2.

En MXGP, je vais dire Jeffrey Herlings, il voudra prendre sa revanche, il a de la fougue et désormais, de l’expérience en catégorie reine.

Aux USA, je dirais Eli Tomac, car il n’a jamais eu ce titre en Supercross 450, on voit qu’il se bat pour ça, inversement, un Ken Roczen attend que le titre arrive sans se blesser. Tomac est prêt à tout pour décrocher ce titre, Cooper Webb, pareil.

Des personnes à remercier ?

Un grand merci à mes parents pour leur soutien dans les bons comme dans les mauvais moments. Sans eux, je ne serais jamais arrivé là où j’en suis aujourd’hui, alors un énorme merci à eux.

@Alex Chiris


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