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Sans détours – Dylan Ferrandis (1/2)

Sans détours – Dylan Ferrandis (1/2)

À l’âge de 22 ans, et après 5 saisons de mondial MX2, il a quitté le cocon familial pour partir à la conquête de l’Ouest et réaliser un rêve de gosse en suivant les traces de ses idoles. En 2019, il est devenu le 6ème Français à décrocher un titre AMA lors d’un finish d’anthologie à Las Vegas.

Il s’est aligné contre les plus grands du mondial lors de ses années en Europe, donnant la réplique à Jeffrey Herlings et Tim Gajser en Mondial MX2 après être avoir bataillé contre Romain Febvre pour le titre Européen.

Il a été un élément phare pour la victoire Française au Motocross des Nations à deux reprises et il s’apprête – en 2021 – à faire son passage en catégorie reine pour tenter, avec Marvin Musquin, de succéder à un certain Jean Michel Bayle, 30 ans plus tard.

Dans ce nouvel opus de la série « sans détours » – divisé en deux parties – Dylan Ferrandis nous fait les honneurs. Lors de cet entretien, Dylan est revenu sur ses années en GP, Kawasaki, Mitch Payton, Star Racing Yamaha, son départ aux USA, son adaptation à la vie Américaine avec Nastasia, le Supercross de Paris, sur la relève Française, Tom Vialle, ses relations avec la FFM, sur le Motocross des Nations et les contrats pour 2021.

Dans un second temps, Dylan vous parlera de la rivalité avec Adam Cianciarulo et Jeffrey Herlings, on reviendra également sur l’avenir du pilote Star Racing, sur sa virée chez les Deegans, sur son team-manager Wil Hahn et sa relation avec son coéquipier Justin Cooper. Inévitablement, on fait un détour par l’incident avec Christian Craig et on évoque l’animosité des fans Américains. On fait également un crochet par les entraînements avec David Vuillemin et la collaboration avec Gareth Swanepoel lors des débuts aux USA … Micro

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Dylan, Feld parlait d’un retour du Supercross en Septembre, puis finalement le 15 mai, puis maintenant, le 30 mai. Sur le plan sportif, qu’est-ce qui t’arrange le plus ?

Je ne sais trop, pour nous, c’est compliqué à gérer. On travaille sur des cycles et là, tout change. Il ne faut pas en faire trop, trop tôt. On s’adapte comme on peut. D’un point de vue d’athlète, c’est assez compliqué.

Pour moi, c’est un avantage de finir par l’outdoor avec la montée en 450 qui arrive l’année prochaine. L’outdoor terminé, il faut récupérer, se ressourcer, puis place au gros du boulot pour préparer la saison 2021 et ma première année en 450. J’ai vraiment envie de réussir dès la première année donc je veux mettre toutes les chances de mon côté.

Si on ne finit pas le Supercross avant l’outdoor et qu’il se déroule après, je vais avoir moins de temps pour préparer ma saison. De ce côté-là, ça m’arrangerait de faire le Supercross maintenant, après, c’est vrai que ça fait peur ….

Imagine, pour X raisons, moi ou un autre athlète, on attrape le virus et on ne peut pas rouler ? Ils ont prévu de tester tout le monde avant la course, si tu l’as attrapé et que tu ne peux pas rouler, c’est vraiment injuste.

Dylan Ferrandis – Supercross de Paris 2019 – @Mathieu LifestyleFilms

Tu peux aussi te pointer en étant malade, d’un autre truc, et te faire interdire de rouler.

C’est clair, il y a plein de paramètres à gérer. De la façon dont ils ont prévu de le faire, sans spectateurs, avec un nombre de personnes et un nombre de pilotes limité, je pense que c’est faisable.

Qu’on termine ce championnat, et qu’on n’en parle plus.

La Feld vous tient au courant des avancées ou vous lisez les rumeurs que les médias diffusent à ce niveau-là ?

Ils tiennent les team-manager au courant, donc c’est le mien qui me tient au jus. C’est un peu au jour le jour à chaque fois.

Il y a 10 jours, on m’a dit que ça allait peut-être rouler le 15 mai et qu’il fallait préparer le Supercross, donc on a repris le Supercross. Hier, on m’a dit que finalement, on allait rouler le 31 mai. Du coup, ça ne sert à rien de rouler tous les jours. Feld ne communique pas avec les pilotes, en tout cas, pas avec moi, mais avec les teams oui.

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C’est dur à gérer pour un athlète.

On attaque avec un retour en arrière. En 2016, c’est au grand prix d’Allemagne que tu as annoncé que tu partais pour les USA en fin de saison. Sachant que tu partais, est-ce que c’était difficile de te motiver à finir la saison en Mondial, et comment ça s’est passé suite à cette décision avec Kawasaki ?

Il y a beaucoup d’éléments qui ont interféré avec ce choix. J’ai roulé pendant plusieurs années pour Kawasaki, et dans plusieurs de mes contrats, j’avais une clause qui me permettait de partir aux USA si je décrochais un titre en mondial MX2. Qui dit Kawasaki là-bas dit Pro Circuit.

Je pensais que Pro Circuit s’intéressait à moi, qu’on pouvait faire quelque chose ensemble.

Pour préparer 2016, je suis parti m’entraîner 3 semaines aux USA. J’étais venu une semaine pour la Monster Cup en 2014 mais je n’avais pas eu le temps de voir grand-chose. Là, c’était pour découvrir le mode de vie, m’entraîner sur des terrains au top et profiter du climat en Californie en décembre/janvier.

Sur place, j’ai eu un problème mécanique et je suis allé chez Pro Circuit. Je n’ai pas été bien acceuilli par Mitch [Payton]. Aucun contact, aucune discussion, ça m’avait surpris.

MX2 : Ferrandis renoue avec le podium - Route

Dylan Ferrandis – MX2 – 2016 – @MXGP

Lors de la saison de grands prix en 2016, on a eu des complications au niveau des moteurs, ça se passait mal même avant le début de saison sur les courses de préparation. À l’époque, Cosworth préparait nos moteurs et je n’étais pas satisfait du tout.

J’ai envoyé des messages à Mitch pour qu’il m’aide, pour savoir s’il pouvait faire quelque chose, me filer un coup de main, voire me récupérer pour l’outdoor, et il n’a jamais répondu.

Arrive la première épreuve de la saison, au Qatar, je signe un 2-2 en bagarre avec Jeffrey et sur la seconde épreuve en Thaïlande, la moto marchait mal avec la chaleur et l’humidité. Après avoir signé la pôle aux chronos, je me mets une raquette sur une série de vagues et je me déboîte l’épaule. Je rentre en France, je me fais opérer. J’en prends pour un mois et demi d’arrêt.

Pendant ce temps, je recontacte Mitch en lui disant que je suis libre car mon championnat est plié, que je ne deviendrais pas champion car j’allais rater quelques épreuves. Je lui demande s’il est possible de rouler sur l’outdoor pour lui, s’il est possible de travailler ensemble l’année suivante. Mitch n’a jamais répondu à un seul de mes messages. Il n’a pas décroché le téléphone une seule fois quand je l’ai appelé.

Dylan Ferrandis Likely Out for Motocross of Nations

Dylan Ferrandis – 2016 – @Monster Energy

Mon agent d’époque, c’était Jérémy Debize, qui est un très bon pote à moi maintenant, il travaillait à Wasserman, une boîte d’agence internationale, et il était en contact avec Jimmy Button. Il lui a dit que je voulais partir pour les USA et il lui a demandé s’il pouvait s’occuper de moi là-bas. Jimmy était chaud.

Jimmy a dit à Jérémy qu’il y avait une place en or chez Star Racing pour 2017, l’équipe cherchait des pilotes.

“Est-ce qu’il est chaud ?”

Bah oui, tu m’étonnes, feu, j’en avais marre des grands prix.

J’ai toujours été attiré par le Supercross. J’aimais bien les grands prix, j’ai toujours voulu être champion du monde, mais j’ai souvent été déçus par les terrains, j’en ai fait pendant 6 ans en comptant l’Europe 250, j’ai beaucoup voyagé, et parfois, c’était pas terrible.

Certaines pistes sont encore au calendrier, et franchement, j’ai toujours pensé que ce n’était pas digne d’un championnat du monde. Parfois, j’étais même frustré sur les épreuves.

Quand Jimmy a dit ça a mon agent, j’ai dit oui directement. Aux USA, ça paye bien plus qu’en Europe, niveau argent, ils m’ont offert plus que ce que j’aurais pu gagner en mondial.

Quand on a commencé les discussions avec Star, ils ont commencé à tout gagner avec Martin et Webb. Trois semaines après avoir signé mon contrat, les trois motos Star Racing étaient sur le podium à Glen Helen pour l’outdoor. Je me frottais les mains.

“Bingo, c’est bon, on y va.”

J’étais en fin de contrat avec Kawasaki, je ne leur devais rien. Peut-être qu’ils auraient voulu faire quelque chose avec moi, mais pour moi, c’était la bonne année pour y partir. Quand la meilleure équipe du moment te propose un contrat, il faut savoir saisir ta chance.

Après ma blessure à l’épaule, j’ai repris en Allemagne, Kawasaki m’a demandé, j’ai dit la vérité à propos de mon départ. Pas de soucis avec eux de ce côté-là. Je suis resté motivé pour gagner sur le reste de la saison en mondial, j’ai d’ailleurs gagné des manches et des épreuves.

SCRUB MX - Article : 2017 Ironman MX | Dylan Ferrandis Out ...

Dylan Ferrandis – IronMan 2017 – @Yamaha

Ce fameux contrat aux USA en cas de titre mondial, il existait vraiment ?

Je ne sais pas. Je n’ai jamais été champion donc on ne saura jamais vraiment.

Les marques sont mondiales mais il y a des différences entre Yamaha Europe et Yamaha US, Kawasaki Europe et Kawasaki US, même si j’ai l’impression qu’il y a également pas mal de différences entre Kawasaki US et Mitch Payton/Pro Circuit.

Peut-être que Kawa aurait poussé pour que Mitch me signe, mais pour autant, s’il avait dit non au dernier moment, rien n’aurait été fait.

Tu n’en as jamais touché un mot à Mitch depuis ?

Non. Star Racing gagnait tout et moi, je voulais être dans la meilleure équipe.
Chez Pro Circuit, on ne m’avait jamais répondu, je ne savais pas ce qu’ils pensaient de moi ni ce qu’ils voulaient.

En vivant aux USA, j’ai fini par apprendre que Mitch m’avait snobé lors de ma venue en hiver en 2015 car il pensait que j’étais venu pour faire la fête, profiter, au lieu de m’entraîner. Tout ça parce que j’étais venu avec mes deux meilleurs amis à l’époque.

Il pensait que j’étais un Français de plus dans la lignée des Français, un mec pas sérieux qui voulait s’amuser. C’est peut-être pour ça qu’il n’était pas intéressé.

Dylan Ferrandis – 2017 – @Yamaha

Blessé au genou en 2015, à l’épaule en 2016, tu reviens, tu te fais couper en l’air par Covington en Suisse, tu te casses le bras. Chez Star Racing Yamaha, à ce moment-là, on commence à se poser des questions ? Comment ça a impacté ton départ aux USA ces blessures en 2016 ?

En 2015, je perds l’avant au warm-up, un terrain un peu trop arrosé. Je mets le genou par terre, sans tomber. On était égalité avec Jeffrey au championnat, et tu n’es pas égalité avec Jeffrey Herlings en mondial par hasard, j’avais prouvé ce que je valais.

Ensuite, 2016, je fais 2-2 au Qatar, grosse bagarre avec Herlings dans les deux manches avec une moto pas au top. Je me fais l’épaule ensuite.

J’aurais pu éviter quelques blessures avec un peu plus d’entraînement physique, mais dans l’industrie, on sait que les blessures font partie du jeu.

Le weekend avant la Suisse, j’avais gagné les deux manches à Loket, j’étais vraiment bien.

Arrive cette chute avec Covington sur laquelle je me casse le bras. Mais surtout, je me fais les ligaments du genou, pas celui de 2015, l’autre. Les croisés, le ménisque, la totale, c’était bien pire que le bras au final. Sur le long terme, le genou, c’était le plus galère même si la fracture ouverte du bras était impressionnante à voir.

Par la suite, saison terminée, rééducation, les yeux rivés sur les USA, on prépare les papiers et le déménagement.

Je suis parti aux USA en étant blessé, je n’ai pas roulé pendant le premier mois car je devais terminer ma rééducation.

J’imagine que tu ne roulais pas des masses en Supercross pendant tes saisons de grands prix ?

Quand même un peu, en fait. J’avais mon terrain chez moi, j’aimais bien faire du SX, même avec la moto de Motocross. J’avais un terrain de SX et un terrain de MX chez moi, je mélangeais les deux, je faisais des manches, je me régalais pendant la saison.

Mais tant que tu n’as pas été sur les terrains officiels des marques aux USA, tu ne peux pas dire que tu roules en SX, ça n’a rien à voir, c’est une autre discipline.

C’est clair que ça a impacté ma saison. Heureusement, il y a la côte Ouest et la côte Est, donc j’ai pu m’aligner à l’Est pour gagner du temps, mais ma préparation était limitée.

Dylan Ferrandis – Supercross de Paris 2019 – @Mathieu Lifestyle Films

“Tu ne peux pas dire que tu as roulé en Supercross tant que tu n’as pas fait du SX US” ? On le voit assez rapidement. Paris, c’est le plus grand Supercross en France, on se régale quand vous venez, mais toi, quand tu viens, tu dois te dire qu’il y a encore du boulot à faire.

C’est ça. J’adore Bercy/Paris, mais quand j’y vais en 450 … Si encore j’y allais en 250….

En 450, je me dis que les pilotes n’ont pas idées. Tous les Français qui roulent à Bercy/Paris et qui ne sont pas encore venus aux USA pour découvrir le Supercross US n’ont pas conscience de l’écart de niveau entre les terrains, c’est un truc de fou, il y a un monde entre les deux.

Ce qui me choque le plus, c’est de voir les pilotes du championnat de France SX2 faire les mêmes enchaînements que nous en 450 à Bercy. Ça montre bien que les terrains sont un peu trop faciles, trop plat. C’est là que se fait la différence.

Tu quittes donc la France en 2016, blessé, tu t’installes aux USA. C’était quoi le plus compliqué quand tu es arrivé ?

L’adaptation et tout ce que ça englobe. Imagine, je vivais chez mes parents en France, j’y ai vécu toute ma vie. Les habitudes, le rythme, tout changeait. On ne se rend pas compte, mais changer de pays, c’est tout reprendre à zéro.

Au niveau de la nourriture, c’était très dur. La qualité des aliments est moins bonne ici. Au début, on galérait à adapter nos corps à la nourriture, il a fallu changer pas mal de choses.

Par exemple, je n’ai jamais eu de problèmes avec le gluten en France, mais aux USA, c’était insupportable. Mais au début on ne savait pas….

Tu m’étonnes, t’as dû être malade pendant un bout de temps avant de savoir.

C’est clair, j’ai perdu du temps, je suis tombé bien malade. Une fois que tu es habitué, tout roule. Un changement radical de style de vie, c’est compliqué. La langue, le rythme de vie, le décalage horaire, les gens. Les Américains sont différents, très différents.

Un Américain te dit bonjour quand il te rencontre et après, c’est terminé, il ne te dit plus bonjour car ça ne se fait pas. Au début, on était choqué, on pensait que les gens ne nous aimaient pas, c’était un peu bizarre, mais c’est comme ça ici.

Et la barrière de la langue ?

Non, ça va. Au début, c’est un peu compliqué, les premiers jours. Mais quand les gens savent que tu ne parles pas parfaitement Anglais – tout du moins les gens avec qui j’ai travaillé – ils s’adaptent. On ne fait que de la moto, c’est tout de même assez simple de se faire comprendre quand quelque chose ne va pas, ce n’était pas le plus gros problème.

Dylan Ferrandis – Supercross de Paris 2019 – @Mathieu Lifestyle Films

Tu pars avec Nastasia. Comment s’est déroulé son adaptation ? On pense souvent aux pilotes, mais vous n’êtes pas toujours tout seul. Elle est partie pour te suivre. Ça s’est passé comment ?

Compliqué, très compliqué.

On s’est mis ensemble début 2016. Moi, comme tout athlète, j’ai pensé à ma carrière et j’ai signé mon contrat pour partir aux USA. On ne savait pas trop comment faire, notre relation était encore toute récente, au final, elle a décidé de me suivre pour l’aventure. C’était très sérieux entre nous, et ça l’a fait.

Si tu veux, j’habite en Californie, mais quand tu regardes sur la carte, c’est à 100KM de Los Angeles, à 100Km de San Diego, tu te dis que c’est top, que ça va être la folie, mais une fois arrivé … Place aux bouchons, aux complications du quotidien.

C’était très difficile pour elle, mais les six premiers mois, c’était plus dur pour moi. Un gros changement pour nous deux, on ne s’attendait pas à ce que ce soit si dur à vivre. On quitte tout, on repart de zéro, on est arrivé avec 4 bagages de 23 kilos, il faut trouver une maison, la meubler, chercher des magasins, des restaurants, des aliments, une grosse aventure.

Aujourd’hui, on ne regrette ni l’un ni l’autre.

Du coup, avec ton expérience aux USA, quand tu repenses à l’absence de primes de la part du promoteur en mondial, tu te dis quoi ?

Que ça ne me choque pas vraiment. Il y a des primes, mais si je n’avais eu que ça, ça ne m’aurait pas permis de vivre. Les primes ça aide les amateurs, mais pour les pros, ce n’est pas ce qu’on va regarder. On va regarder les primes des marques.

En Europe, j’avais aussi les primes bonus de Kawasaki, donc ça ne change pas grand-chose, mais pour les amateurs, la grosse différence est là. Quand tu n’es pas payé pour te rendre sur les courses … Rien que de pouvoir te défrayer, c’est déjà top.

Après, si tu prends mes primes Kawasaki à l’époque du Mondial pour un podium ou une victoire, tu peux les multiplier par 3 ou 4 pour arriver aux primes de Yamaha aujourd’hui. La différence est énorme.

Dylan Ferrandis: Coming to America!

Dylan Ferrandis – @Kawasaki

Un pilote de 450 aux US qui fait dans les 20 arrivera à mieux s’en sortir qu’un pilote de 450 qui fait dans les 20 en mondial, idée reçue ?

En Supercross c’est possible, mais en outdoor, impossible. Il faut traverser les USA. On y va en avion, mais pour les mecs qui y vont en bagnole, mission impossible.

C’est au moins aussi éloigné que l’ensemble de toutes les épreuves du mondial qui passent en Europe. Je pense qu’en outdoor, tu ne t’en sortiras pas. En Supercross c’est faisable, tu roules 15 minutes, tu n’uses pas la moto, tu n’utilises pas beaucoup de pièces, et tu as la possibilité de rouler sur la côte Ouest et t’arranger pour trouver des solutions sur la côte Est.

En Motocross, s’en sortir aux USA, c’est au moins aussi galère qu’en mondial.

Sur la fin de tes années grands prix, tu parles de déception, d’un ras-le-bol, des circuits pas dignes du mondial. Tu peux développer ?

Le manque des préparations des terrains, c’était vraiment ce qui me gavait sur les GP. Les circuits n’étaient jamais hersés comme on peut le voir aux USA. Ici, la veille, c’est hersé sur 40cm, c’est un truc de fou. On fait le premier essai dans la boue, on fait des ornières énormes, et après, c’est du caviar, des sauts énormes, de la vitesse.

En grand prix, beaucoup de fois, j’arrivais sur le terrain en me demandant ce qu’on allait bien pouvoir faire.

Tu vas en Thaïlande faire des courses sur des terrains artificiels, tu vas à Loket et tu repars en sang à force de te prendre des rochers dans la gueule toute la journée. Rouler sur des terrains comme ça, c’est abusé, et c’est toujours ce qui m’a un peu déplu en grands prix.

Même sur les belles pistes comme Kegums, ou les terrains de sable comme Lommel, la façon dont ils préparaient ces circuits, ça n’a jamais été dans le bon sens …

Aujourd’hui, quand je regarde Lommel, j’hallucine. C’est lent, il n’y a que des pains de sucre, tu atterris à plat et tu te casses le dos, je ne comprends pas. Il n’y a aucun spectacle comme ce qu’on peut avoir aux USA.

Les terrains aux US m’ont toujours fait rêver quand j’étais en Europe et maintenant que j’y suis, je vois encore plus le décalage.

Dylan Ferrandis – Loket 2016 – @Kawasaki

6 ans en grands prix en comptant l’Europe, cette opportunité de partir aux USA n’aurait pas pu se présenter plus tôt pour toi malgré le rêve Américain qui te suivait depuis l’enfance ?

Non, pas du tout. Je savais que c’était inconscient de partir avant, tant que je n’avais pas une base solide avec de l’expérience. Même si je n’étais jamais parti aux USA, je me doutais que le changement, le déménagement et l’adaptation, ce serait énorme, donc je savais qu’il fallait partir en étant prêt mentalement, physiquement.

Partir trop jeune, ce n’est pas possible.

Un détour par la relève Française. Malheureusement, Brian Moreau, figure d’espoir, s’est blessé. En Europe, la plupart des Français s’investissent dans le mondial, ils sont très bons, mais personne ne semble être tenté par l’aventure US. La relève Française, tu y crois encore ? Marvin et toi, vous n’allez pas continuer indéfiniment.

C’est vrai qu’on n’entend plus beaucoup les jeunes dire qu’ils veulent partir aux USA, comme moi je le disais quand j’étais gamin. C’est surprenant mais je pense qu’il y a aussi une prise de conscience.

C’est vraiment dur de tout quitter, de venir aux USA, on voit que c’est galère. Des Jean Michel Bayle, il n’y en a pas eu depuis, personne n’a encore jamais gagné de titre majeur en 450 aux USA, ça montre à quel point c’est dur pour tout le monde, et surtout pour les expatriés Français.

Je pense que le challenge est tellement gros que c’est plus simple de rester en Europe pour y faire sa carrière. C’est un peu dommage.

Après, niveau relève, je pense à quelques jeunes quand même, dont Quentin Prugnières qui bosse avec Steven Frossard. Il va mettre du gaz. Tous les jeunes qui vont chez Bud. Ils ont formé des jeunes, ils ont l’expérience, ils savent comment il faut faire. Ceux qui passent chez eux ont des chances de venir faire quelque chose plus tard.

Regarde Tom Vialle, quand il était jeune, je n’ai jamais entendu dire qu’il allait casser la baraque chez les pros. Je me souviens l’avoir croisé sur quelques entraînements à l’époque et il n’était pas très impressionnant. Sur mes dernières années en 85, je me rappelle que j’envoyais du gros gaz.

Pourtant, au final, Tom…. Il est en tête du mondial. Il y a une grosse marche à franchir pour faire la transition 85/125/250. Tu as beau être bon quand tu es jeune, c’est à ce moment-là que tout va se jouer.

Dylan Ferrandis – Supercross de Paris 2019 – @Mathieu Lifestyle Films

Quelles relations entretiens-tu avec la FFM aujourd’hui ?

Ça se passe très bien. J’ai toujours été en très bons termes avec la FFM. Plus jeune, ils se sont très bien occupés de moi alors qu’on ne leur demandait rien. Ils m’ont toujours poussé à faire des compétitions à l’étranger, comme le mondial Junior en Nouvelle-Zélande en 2009 pour l’équipe de France. J’étais le seul Français, mais ça ne s’est pas bien passé. J’ai tout fait péter le samedi mais le dimanche, lors du warm-up, je passe par-devant et je me casse le poignet.

À la FFM, ils ont toujours été cool avec moi, j’ai fait des stages avec eux, des stages en équipe de France, ça s’est super bien passé avec Olivier Robert, Pascal Finot. Des bons souvenirs, de super moments.

Après, il y a une différence entre les sélectionneurs, les gens qui sont sur le terrain avec les pilotes, et les gens qui gèrent la FFM dans les bureaux. Il ne faut pas mélanger les deux. Sur certains points, je ne suis pas en accord avec eux, surtout ces dernières années.

Moi, je fais ce que je peux, j’essaye de mener ma carrière du mieux possible. L’an dernier, je ne suis pas venu aux nations. La raison, on avait nos cartes vertes à gérer aux USA et on ne pouvait pas quitter le territoire pendant une période donnée, au moment des nations.

La raison première était là, après …. Je n’étais pas forcément très chaud de venir rouler à Assen car le terrain, je ne l’aime pas du tout.

Donc si tu avais pu sortir des USA, tu serais venu à Assen ?

Je préfère ne pas répondre à cette question [rires].

Quelles sont les chances qu’on te revoit un jour aux nations ? Si la FFM t’appelle, tu considères la chose ?

C’est vraiment la question qui me tracasse toute l’année, vraiment, je ne sais pas quoi faire.

Surtout cette année, les nations en France … Bon, on ne sait pas trop ce qu’il va se passer à ce niveau-là donc bon …. Si c’est plié pour cette année, c’est malheureux mais c’est presque tant mieux pour moi parce que c’est vraiment l’hiver le plus important de ma carrière qui approche, il va falloir mettre les bouchées doubles pour préparer ma première année en 450.

Aller faire les nations, avec notre calendrier Américain, c’est très compliqué, une grosse galère pour tout le monde, pour les pilotes, les teams, les entraîneurs, la gestion est difficile.

Faire les nations, c’est venir pour faire plaisir aux autres tout en se mettant dans une situation difficile, c’est un choix compliqué.

Pour cette année, ça va être compliqué, mais moi, j’adore les nations. J’y ai roulé deux fois et j’ai gagné avec la France ces deux fois. Je devais les faire en 2015 et je me suis blessé.

C’est une course que j’adore, malheureusement, quand tu roules aux USA, c’est un peu plus compliqué.

Motocross - 6-7 octobre 2018 72e édition du MXoN - Red Bud-USA ...

Dylan Ferrandis – Motocross des nations 2018 – @FFMoto

L’épisode Vialle/FFM en 2019, c’est acceptable ?

Non, c’est inacceptable.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle je dis qu’il ne faut pas confondre l’administration de la FFM et les gens sur le terrain, ceux qui sont proches des pilotes.

Il y a un gros écart entre les deux et ce genre de situation ne devrait même pas arriver. J’étais un peu déçu de cette décision. Mais après, ça, ce n’est pas moi qui décide.

Ça pourrait mettre en cause une prochaine participation de Vialle aux nations ?

Je ne pense pas que Tom puisse refuser. Les nations, c’est à faire au moins une fois dans sa vie. Une fois que tu y as goûté, tu as envie de les refaire.

S’ils résolvent leurs problèmes et que la FFM lui demande de rouler, je ne pense pas que Tom puisse refuser, il aura trop envie de goûter à cette sensation, celle de rouler pour son équipe Nationale au Motocross des Nations.

Bon, pour ton passage en 450. J’ai des rumeurs qui proviennent de Steve Matthes …

Je ne suis pas au courant de ces rumeurs, je suis impatient que tu me dises le pourquoi du comment.

Il parle de toi chez Yamaha, sinon, il se laisse entendre que tu pourrais récupérer un troisième guidon chez KTM en 450. Il laisse également entendre que Barcia aurait un renouvellement de contrat chez Yamaha s’il était top 3 dans les points en SX.

C’est surprenant, mais je vais te raconter.

Quand la saison a été lancée, vers l’épreuve d’Oakland, mon agent Jimmy Button a commencé à discuter avec les team pour l’année prochaine. Moi, je suis libre de tout contrat en fin d’année donc forcément, Jimmy a discuté avec toutes les marques car il est bon d’avoir tous les avis, de toquer à toutes les portes.

Forcément, il a discuté avec KTM. Au début, KTM a fait savoir qu’ils étaient intéressés mais ils avaient déjà deux pilotes. Ils devaient attendre que Cooper Webb signe de nouveau avant de prendre une décision. Par la suite, ils nous ont dit qu’il y avait potentiellement un troisième guidon – comme d’autres marques nous l’ont dit également – donc peut-être une place pour moi.

Mais, avec cette histoire de coronavirus, de confinement, toutes les marques ont arrêté leur production. Grosse perte d’argent, plus de budget, et beaucoup de marques sont revenues vers nous pour nous dire qu’il n’y aurait pas 3 motos sous leur auvent en 2021.

Du coup, tous les teams savent que j’ai besoin d’un guidon pour l’année prochaine, si demain, ils arrivent avec un contrat et une troisième moto, je prendrai l’offre en considération.

Aujourd’hui, on discute avec Yamaha. Je n’ai jamais entendu parler de cette clause dans le contrat de Barcia. Mon agent parle beaucoup avec Yamaha et on attend des réponses dans les prochains jours, il y aurait une possibilité de récupérer une 450. Je ne sais pas s’il y aurait une troisième moto, ou si je récupérerais celle d’un pilote, mais on est en discussion avec eux.

Je roule sur Yamaha depuis 4 ans, je pense avoir fait le job, ce qu’il fallait pour mériter un contrat en 450.

Pour l’instant, aucune proposition, et rien n’est signé. La rumeur KTM est vraie, mais on peut dire ça pour toutes les marques au final, on a demandé à tout le monde.

Rejoindre KTM/Husqvarna, c’est un peu synonyme de finir à la Bakers Factory non ? Et David Vuillemin ?

Quand mon agent a parlé des discussions avec KTM et Husqvarna, je lui ai dit directement que je comptais travailler avec David la saison prochaine. Bon, on ne sait pas de quoi demain sera fait mais au jour d’aujourd’hui, ma préparation 450 se fera avec David et je n’ai pas l’intention de finir à la Bakers Factory si je signe pour une de ces marques.

Visiblement, ce n’était pas un problème pour eux. Après, Wilson et Anderson ne sont plus avec Aldon Baker [….]

MAJ: la suite de l’interview est désormais disponible en cliquant ici

Image d’introduction: Yamaha


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