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Sans détours – Livia Lancelot (2/2)

Sans détours – Livia Lancelot (2/2)

Elle est la dernière représentante tricolore à avoir décroché un titre mondial.

En 2008, elle inscrivait son nom dans l’histoire du Motocross Français et succédait à Jacky Vimond, Jean Michel Bayle, Sebastien Tortelli, Frederic Bolley, Mickael Pichon, Mickael Maschio, Yves Demaria & Christophe Pourcel en remportant un premier sacre mondial avant de réitérer en 2016, après les titres mondiaux de ses confrères Pierre Alexandre Renet, Marvin Musquin, Jordi Tixier et Romain Febvre.

Cette saison, elles sont cinq Françaises – toutes engagées en mondial féminin – à espérer reprendre un jour le flambeau de Livia Lancelot.

Après 10 ans à disputer les épreuves mondiales, années marquées par 2 titres de championne du monde et 7 titres nationaux, Livia Lancelot a mis un terme à sa carrière sportive pour tomber définitivement le casque et enfiler la casquette de team-manager de l’équipe Honda 114 Motorsports. Une opportunité présentée par Giacomo Gariboldi en personne et saisie à bras le corps par Livia qui décidait d’ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière professionnelle par la même occasion.

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Dans la seconde partie de cet entretien “Sans détours”, Livia revient sur sa décision de stopper sa carrière sportive, sur sa période post-carrière, sur son travail de team-manager, sur le calendrier 2020, sur le Motocross des nations, sur le nombre d’épreuves en mondial, sur les différents changements annoncés par Infront Moto Racing, sur son avenir & bien plus encore …

Livia, plus tôt, tu m’as dit qu’une des raisons pour laquelle tu as décidé d’arrêter ta carrière, c’est que la direction que prenait le mondial féminin ne te plaisait pas, peux-tu développer ?

J’ai connu les années ou le WMX se déroulait avant les manches MX2 le dimanche. On avait un break de 2 heures seulement entre les deux manches, on roulait sur des pistes défoncées à un moment ou le public était présent et on était en direct sur Motors TV. Moi, j’ai connu tout ça.

Aujourd’hui, tu roules une manche le samedi, tu récupères pendant une nuit entière, donc la préparation physique n’est plus du tout la même. Tu roules ta deuxième manche le dimanche matin quand la piste est refaite sur un billard méga arrosé, car l’organisation est obligée d’arroser à outrance pour que le terrain tienne toute la journée.

Clairement, si tu pars devant et que tu as un bon niveau, tu finis dans le top 5 car personne ne peut te doubler, il y a de l’eau partout et aucun trou, aucune ornière pour faire la différence, rien. Ce n’est pas tout le temps comme ça, mais la plupart du temps, oui.

Il y a tellement de catégories et de pilotes aujourd’hui que c’est fini les weekends où on ne refait plus les pistes, c’est impossible. La piste se défonce bien plus maintenant; regarde la tronche de la piste en 2ème manche MXGP à Valkenswaard … Quand tu vois ça, tu te dis qu’heureusement qu’ils ont refait la piste le samedi soir.

Les vieux de la vieille disent que c’est du Motocross, qu’il faut laisser les trous, mais là, tu te retrouves avec 250 pilotes par jour, tu ne peux pas ne pas la refaire. Mais pour quelqu’un qui a connu les bonnes années comme moi – j’étais une pilote qui travaillait énormément – quand tu fais une manche le dimanche matin, fraîche après ta nuit de récupération, sur une piste qui n’est pas défoncée…. Non, sérieusement, je ne m’entraîne pas aussi dur pour ça … On a perdu le charme du motocross féminin.

Quand tu ne connais que ça, ça ne te dérange pas forcément. Pour les jeunes qui arrivent et qui n’ont pas encore trop le physique, qui sont encore un peu limite techniquement, ça arrange de rouler sur une piste qui n’est pas défoncée, mais quand je me bats avec Kiara Fontanesi, je veux qu’on puisse faire la différence, je veux qu’il y ait des difficultés, je veux qu’il y ait un saut compliqué avec des ornières sur l’appel, qui fera qu’elle ou moi, on ne sautera peut-être pas, et là, tu te retrouves face à un vrai challenge.

Quand la piste est plate, le challenge est moins important. Ça commençait à me gonfler un peu, et c’est en partie pour ça que j’ai arrêté.

File:Is-sur-Tille Motocross finale du championnat de France ...

Ta carrière de sportif t’as fait te professionnaliser très tôt. À 20 ans, tu ne vivais pas au même rythme que les autres jeunes de ton âge. À 30 ans, dans le milieu de la moto, tu es plus sur la sortie que sur le début, mais dans une vie, 30 ans, c’est encore l’âge de la jeunesse … L’après carrière, c’est un moment ou tu “rattrapes le temps perdu” ?

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C’est exactement ça. Je me suis professionnalisé très tôt et à 17 ans, je suis partie en Belgique avec les frères Pourcel. De 18 à 30 ans, j’ai vécu au rythme des entraîneurs, des nutritionnistes, je me couchais tôt car je roulais le lendemain, j’avais adopté tout ce mode de vie-là.

Moi, je buvais de l’alcool une ou deux fois par an, au Supercross de Paris et aux nations, et au bout de deux vodkas – mélangées a de la boisson énergétique – j’étais déjà bien [rires].

Honnêtement, ma vie s’est résumée à ça jusqu’à mes 30 ans ainsi qu’à des kilomètres de vélo et à des heures sur la moto.

Quand tu décides d’arrêter, tu passes par cette phase ou tu t’amuses et ou tu fais tout ce que tu ne pouvais pas faire d’habitude. Je suis beaucoup sortie, j’ai rattrapé le temps avec mes amies qui faisaient ça tous les weekends. Mon mode de vie avait été bien différent du leur.

C’est vrai que moi, j’ai traversé cette période post-moto ou j’ai fait tout ce que je n’avais pas pu faire. J’ai mangé n’importe quoi, je suis sortie, j’ai beaucoup profité. Je n’ai pas pu le faire à 100% non pus car je me suis directement lancé dans mon équipe 114 et au départ, je travaillais 24h/24 et 7j/7 car on manquait de staff pour tout gérer et j’avais un emploi du temps de malade.

Malgré tout, il y avait ce côté “je fais ce que je veux” et j’ai découvert une autre vie que celle que je connaissais jusqu’à présent mais je te rassure, ça n’a pas duré bien longtemps.

Tu reviens toujours aux bases de ce que tu as connu toute ta vie j’imagine.

C’est sûr. L’effet “exagération” n’a pas duré longtemps. Le “Je m’en fou, je mange n’importe quoi, je ne fais plus de sport” a duré un petit moment, mais j’ai rapidement repris les choses en main. L’an dernier, j’ai repris le sport tranquillement, et cette année, je suis à la salle de sport à 7h30 tous les matins avant d’aller à l’atelier. C’est une habitude, un mode de vie …

Quand tu as été un sportif de haut niveau pendant autant d’années, tu connais trop bien ton corps. Je sens quand je mange mal, mon corps fonctionne au ralenti, je sens que ça ne va pas. Quand je ne dors pas assez, je le sais, je le sens le matin. Pendant des années, tout était tellement calculé qu’il y a des restes dans ta vie de tous les jours, même après la carrière.

@Thibault Gastal

Si je te demande une épreuve que tu n’appréciais pas en tant que pilote, et aujourd’hui, une épreuve que tu n’apprécies pas en tant que team-manager, ce serait lesquelles ?

J’ai presque envie de te dire que c’est la même chose. Je n’ai jamais détesté une piste en tant que pilote. Quand on arrivait à Valkenswaard ou Lommel, on savait que ça allait être quitte ou double, qu’il fallait mieux être prêts, certaines épreuves sont plus difficiles et tu ressens plus de pression. Mais j’aimais bien ça, car c’est sur les épreuves difficiles que tu peux également faire la différence, il pouvait se passer beaucoup de choses.

Aujourd’hui, même constat, quand on arrive à Valkenswaard, j’ai peur pour les motos dans le sable, je veux éviter les problèmes mécaniques car je sais qu’en tant que pilote, ça m’énerverait de m’enfiler une manche et de rencontrer un problème à deux tours de la fin. Quelque part, la peur est la même, mais je ne la ressens plus pour moi, mais pour mes pilotes.

L’aspect que j’ai toujours détesté, c’est les blessures. Aujourd’hui, j’ai encore plus de pression quand mes pilotes roulent que quand moi je roulais car je veux a tout prix éviter qu’ils se fassent mal.

Finalement, c’est plus stressant de voir tes pilotes derrière une grille que de t’aligner toi-même derrière une grille ?

Clairement. Aujourd’hui, le stress est beaucoup plus présent qu’avant. À l’époque ou je roulais, lors d’un grand prix comme celui d’Argentine, j’arrivais à l’aéroport à la dernière minute, je faisais mon sac le matin avant de partir, je n’étais pas stressée du tout. J’y étais habitué, j’avais ma méthode et ça fonctionnait bien.

Aujourd’hui, je suis 10 fois plus stressée qu’avant; c’est moi qui donne les horaires de départ, c’est moi qui choisi les avions, qui fait tout. Si je fais une erreur, ce n’est pas moi qui en fait les frais, mais les pilotes. C’est une pression qui est difficile à gérer.

J’ai tendance à les gaver avec ça, du coup, on arrive à l’aéroport avec trois heures d’avance [rires]. J’ai tellement peur qu’il se passe quelque chose.

Les Australiens sont grands, ils ont 18 et 22 ans, ça va, ils sont adultes et ils savent très bien dans quoi ils ont mis les pieds. S’ils se blessent par exemple, ils savent très bien que ça fait partie du jeu. Mais aujourd’hui avec un jeune comme Axel – pilote avec qui j’ai commencé à travailler alors qu’il n’avait que 11 ou 12 ans – c’est différent. Axel a 16 ans, mais c’est encore un enfant. Quand il est tout seul avec nous, notamment cette année, c’est vrai que je fais attention à tout; je m’assure que tout soit en place pour lui car il est sous ma responsabilité.

@Thibault Gastal

À la question : Y a-t-il trop d’épreuves en championnat du monde. Tu réponds quoi ?

Oui. Là, financièrement, on est pris à la gorge. C’est un problème économique, mais c’est aussi un problème humain, pour les mécaniciens, pour les pilotes, pour tout le monde.

20 épreuves; mes mécaniciens arrivent – dans le pire des cas – le jeudi midi sur l’épreuve. Pour arriver le jeudi midi, puisqu’ils voyagent en camion, ils partent le mardi. Imagine la vie de famille …

20 weekends par an pendant la saison et l’hiver, tu rentres tard car les pilotes finissent l’entraînement à 16h30 mais il te reste encore deux heures de nettoyage sur les motos. La saison est vraiment très longue.

Il y a des gens qui comparent avec les USA et qui disent que là-bas, ils font le SX et le MX; oui, mais aux USA, ils ne roulent que le samedi. Le dimanche soir, tout le monde est à la maison. Tu peux discuter avec Marvin ou Dylan, ils te diront qu’après l’outdoor ou le SX, ils prennent un avion le dimanche matin pour rentrer chez eux. En termes de récupération, ce n’est pas la même chose.

Nous, quand on fini le dimanche soir, on dort à l’hôtel à côté de l’aéroport et on ne redécolle que le lundi. C’est un peu compliqué. C’est un budget plus conséquent rien qu’en nuits d’hôtel, et humainement, c’est difficile. S’ils réduisaient le championnat de 3 ou 4 épreuves, ça ne me dérangerait pas.

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Les organisateurs réfléchissent à des modifications de programme. On pourrait voir le mondial prendre place le dimanche et le samedi être réservé aux catégories EMX et WMX. L’argument avancé et que ça permettrait de réduire les coûts des équipes. Est-ce que ce serait vraiment le cas ?

Réellement, je ne pense pas car on sera quand même obligé d’arriver le mercredi ou le jeudi, tout simplement car la plupart des équipes ont des pilotes engagés en championnat d’Europe.

Humainement, par contre, ce sera plus simple. Fini le travail sur deux jours, les motos rouleront moins, il y aura une petite économie de ce côté-là. Je pense que ce sera mieux, je vois ces changements comme une bonne chose pour la fin de la saison, voire même pour l’année prochaine. Ça me plait car nos pilotes sont entraînés, ils n’ont pas besoin de tout un samedi pour reconnaître la piste et régler les motos.

Je ne veux pas parler au nom des équipes usines, mais je doute qu’elles refassent tous les réglages des suspensions de leur pilote le samedi parce que ce dernier a senti qu’il fallait modifier quelque chose. Nous, on ne le fait pas, et je ne pense pas qu’elles le fassent non plus. Les motos sont mises au point bien avant les épreuves et il ne reste plus que de petits ajustements. Avec 45 minutes d’essais le dimanche matin, on aurait largement le temps de réaliser ces ajustements.

@Bavo Swijgers

Le calendrier provisoire 2020 est-il réaliste ?

…. Joker ! [rires]

“Ne se prononce pas”.

Ça me semble difficile d’enchaîner toutes ces courses à partir du mois d’août. Nous par exemple, on n’arrive toujours pas à faire revenir nos Australiens en France. Il n’y a pas d’avions, les frontières ne sont pas ouvertes et le gouvernement Australien ne les autorise pas à sortir du pays. Pour le moment, on se bat à coup de papiers avec le gouvernement. On va bien finir par y arriver mais c’est délicat.

Autant d’épreuves au mois d’août, je n’y crois pas trop. Vu la situation et la crise économique liée à ce virus, s’ils réduisaient le nombre d’épreuves, ça m’arrangerait. Je ne me vois clairement pas aller en Chine… On nous dit que tout va bien là-bas maintenant, je n’ai pas spécialement envie d’aller voir par moi-même.

Il y a quelques petites choses qui font que je ne suis pas fan de ce calendrier provisoire, mais ce sera pareil pour tout le monde. C’est un championnat du monde, il faut qu’on aille dans tous les pays, c’est certain. Mais avec la crise actuelle, ça devient de plus en plus compliqué et si ça continue comme ça, on ne sera pas en mesure de faire les épreuves overseas de toute façon.

Est-ce qu’il ne serait pas temps de revoir la règle des 23 ans et de la repousser a 24 ou 25 ans ? En MXGP, trouver un guidon, c’est mission impossible, et si tu as plus de 23 ans … Tu fais quoi ?

J’avoue que la règle des 23 ans sur l’Europe, je trouve ça au top. Il le fallait, l’Europe, c’est pour les jeunes. Pour l’Europe, je mettrais même une limite plus jeune.

C’est bien d’être obligé de monter en MXGP quand tu truste le titre comme l’à fait un Herlings à l’époque du MX2 pendant des années. Un système à l’Américaine, avec les points, ce serait top.

Monter en MXGP, okay, mais il faudrait pouvoir redescendre en MX2 à un moment donné. Aujourd’hui, on a quand même beaucoup de mal à trouver de nouveaux pilotes pour rouler devant en MX2, et à côté de ça, il y a beaucoup de pilotes qui ne trouvent pas de guidon en 450.

Il y a beaucoup de pilotes qui ont 24 ou 25 ans, des petits gabarits, qui pourraient refaire du MX2 et ça permettrait d’avoir deux catégories un peu mieux remplies.

Le Motocross des nations en pleine saison, c’est pertinent ?

J’ai envie de te dire qu’ils n’ont pas le choix. Est-ce que c’est pertinent ? Non, mais comment faire ?

Les points du MXDN pourraient compter pour le mondial, ça ressemble un peu à un GP de France déguisé en Nations, non ?

Pas faux. On verra comment ils vont gérer cette situation. Ce serait quand même dommage de ne pas faire les nations.

Les nations, c’est prouvé, c’est l’événement ou il y a le plus de spectateurs, c’est l’événement le plus retransmis à la télévision, c’est l’un des seuls événements moto dont ils vont parler aux informations lorsque l’équipe de France gagne. Si Marvin est champion aux USA, on n’en entendra pas parler, si Romain Febvre devient champion du monde, on n’en entendra pas parler.

C’est une épreuve très importante pour notre sport et ce serait dommage de l’annuler. Faire 20 grands prix, et pas de nations, je ne vois pas l’intérêt.

Là, on n’a pas le choix, il doit se dérouler en milieu de saison. Ce sera un enfer à gérer pour les pilotes, un enfer à gérer pour les fédérations également car certains pilotes risquent de ne pas vouloir y aller, mais pour les équipes, c’est un peu la même chose qu’un grand prix.

On te revoit quand sur une moto ? Quand tu as pris les commandes de 114 Motorsports en 2018, j’étais persuadé qu’on allait te revoir, peut-être à la finale du WMX, et ce n’est pas arrivé. Est-ce que c’est quelque chose qu’on pourrait voir dans le futur ?

En grands prix, non. J’irais peut-être refaire un peu de championnat de France pour m’amuser. Le problème, c’est que je ne roule pas beaucoup, je n’ai pas le temps, et ça ne me manque pas. Quand j’ai le temps, j’en profite pour faire autre chose. De la moto, j’en ai fait des heures et des heures; là, quand j’ai le temps, je fais un tour de vélo, des choses que je ne faisais pas avant.

Aller m’aligner sur une épreuve de mondial à l’heure qu’il est, ce ne serait pas intelligent. La vitesse, je l’ai toujours, mais je n’ai plus la même condition physique et les mêmes réflexes car je ne roule plus; ce serait prendre un risque car je me prendrais au jeu de vouloir signer un résultat. La compétitivité, c’est encré en moi, je n’irais pas m’aligner sur un mondial pour m’amuser, je voudrais y aller pour le podium.

Quel a été ton plus gros défaut en tant que pilote ?

Le manque de confiance en moi.

Tu te vois ou, et à faire quoi d’ici 5 ans ?

Bonne question, je ne sais pas.

Tu te vois encore team-manager ?

Pourquoi pas. Après, je dois avouer que j’ai bien envie de fonder une famille. Ça fait partie des raisons pour lesquelles j’ai arrêté la moto, car je ne me voyais pas faire comme Kiara Fontanesi. J’ai beaucoup de respect pour elle mais je ne me voyais pas faire la même chose.

Être team-manager, faire 20 weekend par an, aller en Chine & compagnie avec un enfant en bas âge, je ne sais pas … À voir comment je pourrais goupiller mon envie de fonder une famille tout en continuant mon boulot de team-manager.

L’image contient peut-être : une personne ou plus et plein air

@Thibault Gastal

X-games, les USA, le Supercross de Paris, Le mondial, le national, de l’Enduro, le Touquet, Les nations féminines, un sacré paquet d’expériences… Si tu devais choisir ta meilleure expérience, ce serait laquelle ?

Ça, c’est dur.

Lors de chacune de ces expériences-là, je garde d’excellents souvenirs comme des mauvais souvenirs.

Un titre mondial, c’est indescriptible. Une victoire de GP en France, c’est indescriptible. À côté de ça, quand tu reçois ton bracelet athlète aux X-Games, tu es considéré comme une Rockstar dans les rues de Los Angeles.

Au Touquet, c’est dingue de voir à quel point tu vas puiser dans tes réserves, ce départ avec les 1.000 pilotes …

Le Supercross de Paris – Lille, c’était un rêve de gosse pour moi. J’y allais chaque année à Bercy car mon père était bénévole dans l’équipe de JLFO. J’ai eu la chance d’accéder au paddock alors que j’étais une gamine et c’était un rêve de pouvoir rentrer dans le chaudron, devant ce public, c’était fort. J’ai été présenté au public, la seule fille à s’aligner en Supercross, c’était quelque chose de dingue. Pourtant, à côté de ça, c’était un weekend infernal car la piste était horrible et mon niveau était limite pour faire cette épreuve.

On a participé à ce Supercross car on voulait prouver que même en étant une fille, c’était possible. C’était un petit pari, je savais très bien que j’allais être dernière et que j’allais me prendre un tour par l’avant-dernier. Je n’ai jamais eu la prétention de penser que j’allais faire un résultat. C’était surtout pour montrer au public que c’est possible d’être une fille et de rouler.

Sur ces événements-là, il y a des personnes qui viennent et qui ne connaissent pas la moto, ils viennent en couple, avec des enfants, les gars sont venu avec leurs copines – et ça les gonflaient probablement d’être là – mais elles ont vu une nana prendre le départ avec les garçons. Même si je fais dernière, ça prouve que c’est possible et c’était le but.

Si j’avais été un garçon, je n’aurais jamais eu cette invitation, je n’aurais jamais été derrière la grille, c’est une certitude et je ne m’en cache pas. Le message, c’était que même si tu es une fille, tu peux y être, tu peux le faire, tu ne gagneras pas, mais tu seras là.


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