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Une course, une histoire – Xavier Boog


Une course, une histoire”; c’est une rubrique sans prétention qui a pour objectif de vous permettre de replonger dans les moments les plus marquants des carrières de vos pilotes tricolores favoris. Amateur d’anecdotes ou d’histoires insolites, on fouille dans des souvenirs, parfois lointains …

Pour ce sixième volet, Xavier Boog se remémore sa sélection au Motocross des Nations, en 2010. Cette même année, Xavier réalisait sa première saison en mondial MXGP pour le compte de l’équipe Kawasaki KRT. Meilleur Français en 450, “Rookie of the year”, champion de France Elite MX1, l’Alsacien décroche son ticket pour défendre les couleurs de la France à Thunder Valley aux côtés de Gautier Paulin et Marvin Musquin. Malheureusement, les espoirs seront de courte durée …

Xavier Boog: “En 2010, je me rends aux USA à l’occasion du Motocross des nations, à Thunder Valley.

Je me souviens avoir fait le tour de la piste à pied le vendredi, une piste magnifique, avec des sauts énormes …. vraiment énormes. La piste est en altitude, donc les motos marchaient un peu moins bien.

Le samedi matin, les premiers essais se déroulent pour les catégories MXGP, puis MX2, puis enfin ma catégorie, la catégorie Open. En regardant les essais, j’ai vu que peu de pilotes parvenaient à sauter tous les sauts; notamment un saut avant l’arrivée. J’étais vraiment impressionné de voir ça, et j’étais en solo car tout le monde était parti regarder les essais de Marvin qui roulait en MX2 cette année-là. Je stressais à mort; j’en étais à me demander où était le frein, où était l’embrayage, etc …

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Je monte sur la moto pour aller en pré-parc, et là, je ne me sens pas à l’aise du tout. Je me dis “Dès que tu pars, tu attaques, c’est les nations, tu portes le maillot de l’équipe de France, tu donnes tout, tu n’as pas le choix”.

Je fais le premier tour des essais au ralenti, j’enroule tous les sauts, et dès le second tour, j’envoie tout. Il y avait peut-être 5 ou 6 pilotes qui avaient envoyé tous les sauts lors des deux séances d’essais avant moi. J’ai tout envoyé pour me sortir les énormes sauts de la tête dès le début des essais.

Je ne me sentais pas super bien sur la piste, mais étonnement, j’ai réussi à signer le meilleur temps de mon groupe, et même le meilleur temps toute catégorie confondue [ndlr: devant Dungey, Cairoli, Paulin, Desalle, Tonus, Short, Townley & co …]. Je ne cache pas que ça, j’en suis plutôt fier [rires].

Ce jour-là, j’étais plus rapide que tout le monde lors des essais de la plus grosse épreuve de l’année.

Bref, tout le monde était content, mais je savais que je n’étais pas à l’aise; j’étais très tendu, et j’avais mal au bras au bout d’un tour de piste, j’avais le couteau sous la gorge, mais la vitesse était là.

En manches qualificatives, Gautier et Marvin assurent deux bonnes manches donc j’étais plutôt tranquille pour la mienne. Trop tranquille ? Je tombe direct au départ, dans le premier virage. Je repars presque dernier alors que j’étais parti dans le top 5. À l’entame du second tour, je me fais mal à la cheville.

Pendant l’été, je m’étais fait mal au genou gauche, j’avais pas mal galéré à revenir, à tel point qu’Olivier Robert – le sélectionneur de l’équipe de France – avait hésité à me remplacer pour les Nations. À chaque mauvais choc, je me faisais mal au genou, c’était compliqué.

Dans ce second tour, je me fais mal à la cheville gauche, du même côté que mon genou blessé. J’ai pris peur pour mon genou qui avait un peu tourné. J’abandonne et je vais au camion Asterisk pour voir; rien. Du repos le soir avec du froid sur le genou; ça allait être bon pour le lendemain, je n’étais pas inquiet.

Le warm-up du lendemain matin se passe bien, j’étais motivé à bloc. Arrive la première manche avec Marvin et Gautier. Gautier réalise une belle première manche – comme il a l’habitude de le faire aux nations depuis des années maintenant – il termine 5ème. Marvin réalise un bon départ mais s’arrête rapidement à cause d’un souci de moto.

On est fin 2010, KTM avait sorti les nouveaux modèles à injection, et Marvin avait une lumière qui s’allumait sur la moto. On lui avait dit que quand une lumière s’allumait, ce n’était pas bon signe, et qu’il fallait s’arrêter. Il abandonne donc la manche et il n’avait qu’une seule moto aux nations; branle-bas de combat sous la structure pour préparer sa moto pour la seconde manche.

Je me prépare pour la seconde manche, Marvin est absent. Olivier Robert vient me voir et me dit que je vais prendre la première place sur la grille. Je devais rentrer après Marvin, mais du coup, je prends sa place sur la grille. J’avais une bonne place sur la grille, mais je savais que si Marvin ne roulait pas, c’était mort. Un mauvais résultat, ça passe, deux, c’est terminé.

Je vois Marvin rentrer sur la grille au dernier moment en catastrophe; la grille tombe, je pars, et je tombe comme lors des qualifications, dans le premier virage. J’étais placé à l’intérieur avec les 250, donc j’étais bien parti…

Je repars dernier, je me donne à bloc. Je croisais les doigts pour que Marvin réalise une belle manche. Je remonte 11ème de la manche, sans doubler Marvin, alors je me dis qu’il doit être devant moi.

Retour au camion après la manche, la moto de Marvin est là, lui s’était déjà changé et en voyant la tête de tout le monde, j’ai vite compris qu’il avait abandonné. Grosse désillusion, une énorme déception pour tout le monde car le podium était plus que jouable. Vu nos résultats, on n’aurait pas fait mieux que le podium, mais au moins, on aurait été dessus.

En troisième et dernière manche, la motivation n’était plus la même. J’étais allé aux nations pour réaliser une course d’équipe, je me fichais de mon résultat sur le plan personnel; je voulais gagner pour l’équipe et je n’ai pas réussi à me dire “Tant pis pour le résultat par équipe, essaye de faire un coup d’éclat pour toi”.

Vu que j’étais tombé lors de mes deux premiers départs à Thunder Valley, je décide d’assurer le troisième. Je pars aux alentours de la 18ème place; je reviens 7ème de la manche, sans grande conviction; une manche loin d’être mémorable.

Il y avait possibilité de faire quelque chose de bien, j’avais la vitesse, mais ces départs …. Et puis enchaîner les deux dernières manches, c’est délicat. Tu dois avoir 45 minutes de repos maximum entre les deux: ça te laisse le temps de revenir, de te déshabiller, boire un coup, te poser et repartir.

Une grosse piste bien défoncée, la chaleur, l’altitude, je me souviens en avoir chié physiquement comme il fallait. Quand tu joues un podium, tu es prêt à te surpasser; mais là, j’avais fait ma dernière manche histoire de faire ma dernière manche; sans grande motivation. Avec Gautier, même si on faisait 1 & 2, on n’aurait pas joué le podium.

J’avais à cœur de faire un podium avec l’équipe de France, je n’avais pas fait un seul podium d’épreuve de l’année en mondial, et l’équipe de France avait enchaîné les podiums aux nations depuis des années, je m’étais dit “si tu loupes le podium cette fois, t’es vraiment un blaireau”.

Les nations en 2010, ça reste à la fois un super souvenir car j’ai roulé pour l’équipe de France et ça, c’était un véritable honneur; mais d’un autre côté, j’étais archi-déçu le dimanche soir.

J’étais arrivé gonflé à bloc et malheureusement, après le départ de la seconde manche, c’était déjà cuit pour nous.”

L’équipe de France termine 7ème du Motocross des nations 2010 (Paulin: 5-9; Boog: 7-11; Musquin: 39-40)

Une course, une histoire – Xavier Boog

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